Les écrivains français sont de bons enfants. Respectueux et aimants de leurs papas, et plus encore de leurs mamans. Doit-on compter chaque année le nombre de livres qui rendent à ces mères nécessairement Courage, l'hommage qui est dû à leur vertu et leur amour ? Seulement voilà, ça, c'est de la littérature. La vie, elle, est parfois moins aimable.
Qu'en sera-t-il de celle d'Adèle ? Dans une chambre aussi impersonnelle que peuvent l'être les chambres d'une maternité, elle vient de naître. La belle affaire, semble penser sa mère (du père, absent et probablement pas même au courant, il sera à peine fait mention), narratrice de Toutes les femmes sauf une, fulgurant récit autant qu'essai, traversé d'éclairs de colère et de beauté pures, signé par la romancière de Rome en un jour ou de Champion (Gallimard, 2013 et 2015), Maria Pourchet. Rien dans ces pages qui rappelle en quoi que ce soit la gracieuse fantaisie et la mélancolie distraite de ces romans. Rien si ce n'est une identique croyance que le style, c'est la femme pour peu qu'on la laisse tranquille.
La tranquillité, la liberté, la mère d'Adèle (Maria Pourchet elle-même, manifestement) n'aura trouvé que l'écriture pour en goûter la douce-amère saveur de délivrance. La naissance de sa fille la renvoie avec une force et une souffrance inouïes à cette longue chaîne d'oppression, de transmission volée, qui dans sa famille tient lieu d'échanges entre les mères, qui le sont toujours dans l'absence ou le souvenir des hommes, l'absence à elles-mêmes aussi, et les filles, qui ne parviennent jamais tout à fait à cesser de l'être. Bref, ces rendez-vous jamais honorés, c'est de la douleur et ça peut aussi devenir de la littérature. Alternant le récit de ses quelques jours de post-partum entre sidération et révélation avec celui de la vie et des complots de colère qui composèrent celles des femmes qui la précédèrent, et en premier lieu sa mère, donc, Maria Pourchet offre dans une langue somptueuse un bréviaire d'amour et de regrets que l'on n'oubliera plus. Une éducation sentimentale au fond autant qu'un récit de formation ou, plus précisément, de déformation.
Toutes les femmes sauf une
PAUVERT
Tirage: 2 000ex.
Prix: 15euros; 144p.
ISBN: 978-2-213-69913-4