Cet hiver, les poids lourds sont de retour. Après leur retenue de l’an passé, inhérente aux difficultés du marché qu’anticipaient les éditeurs avec les échéances électorales du printemps, les maisons lâchent leurs chevaux et proposent un défilé d’auteurs très attendus du public. Au menu du début 2018, on trouvera notamment Olivier Adam (Flammarion), Philippe Delerm (Seuil), Elena Ferrante (Gallimard), Frédéric Beigbeder (Grasset), Olivier Bourdeaut (Finitude), Jean-Paul Didierlaurent (Au diable vauvert), Nathalie Azoulai (P.O.L) Aharon Appelfeld (L’Olivier), Jean Teulé (Julliard), Paul Auster (Actes Sud), Pierre Lemaitre (Albin Michel) ou encore Delphine de Vigan (Lattès). Des valeurs sûres qui lestent les programmes prudents des éditeurs. D’après nos données Livres Hebdo/Electre, si le nombre global de titres qui déferleront dans les rayons en janvier et février subit une légère inflexion avec 499 nouveautés (- 3,7 % par rapport à 2017), le segment de la littérature étrangère accuse, lui, une baisse notable. 153 titres sont attendus en littérature traduite contre 180 il y a un an, soit une baisse de 17,6 %. A l’inverse, la production en littérature française croît de 2,3 %, avec 345 titres programmés parmi lesquels 64 premiers romans, soit une diminution de 3 % par rapport à 2017.
Rentrée des jurés et des piliers
"Celle qu’on appelait, il y a quelques années, la petite rentrée n’a plus grand-chose de petit, ni en nombre d’ouvrages, ni en qualité", estimait Gilles Haéri, le directeur général de Flammarion, lundi 20 novembre, en ouverture de la réunion de présentation aux libraires que l’éditeur du groupe Madrigall organisait pour la première fois à l’occasion d’une rentrée d’hiver. L’éditeur y aligne Olivier Adam , Grégoire Bouillier qui livre le second tome du Dossier M - dont le premier opus publié en août vient d’être récompensé par le prix Décembre -, Brigitte Kermel et ses Jours brûlants à Key West ou Dominique Noguez (L’interruption), lauréat du prix Femina en 1997 et du prix de l’Académie 2017, mais aussi juré du prix Décembre. Comme Flammarion, de nombreux éditeurs mélent dans leur programmation jurés des prix littéraires et piliers de la maison. Gallimard présente une rentrée particulièrement musclée où deux jurés du prix Renaudot, Jérôme Garcin (Le syndrome de Garcin) et Jean-Noël Pancrazi (Je voulais leur dire mon amour) côtoieront leurs collègues du Goncourt, Tahar Ben Jelloun (La punition) et Pierre Assouline (Retour à Séfarad) mais aussi l’académicien Jean d’Ormesson (Et moi je vis toujours). Catherine Cusset qui s’empare de la Vie de David Hockney, Philippe Forest traquant L’oubli ou encore Philippe Le Guillou sur La route de la mer, seront également de la partie. Aux côtés de Pierre Lemaitre, Gérard de Cortanze, fidèle à Albin Michel, y publie Laisse tomber les filles, Jean-Claude Lamy, juré et fondateur de plusieurs prix dont celui du Premier roman, signe Céleste et Sagan : pour l’amour de Proust, quand Denis Tillinac revient au roman autobiographique avec Caractériel. A noter, la parution chez l’éditeur du dernier roman de l’écrivaine Anne Dufourmantelle, disparue cet été, (Souviens-toi de ton avenir).
Chez Grasset, l’éternel jeune homme d’Un roman français et juré du Renaudot, Frédéric Beigbeder, a maintenant franchi le cap du demi-siècle et cherche le secret de la longévité humaine dans Une vie sans fin, Yann Moix explore la Corée du Nord dans Korea, tandis que Christophe Donner continue de défricher le sujet de la sexualité avec l’explicite Sexe. Stock s’appuie sur le prolifique Patrick Besson, juré du Renaudot, qui signe Tout le pouvoir aux soviets, mais aussi sur Colombe Schneck et son récit intime Les guerres de mon père. Seuil sort le grand jeu, alignant aux côtés de Philippe Delerm le goncourisé Patrick Grainville (juré Médicis) et sa Falaise des fous, Eric Holder (La belle n’a pas sommeil), et Ivan Jablonka (En camping-car), couronné du Médicis 2016 pour Laëtitia. Philippe Rey fait appel à l’académicien du jury Médicis Dominique Fernandez (Où les eaux se partagent) quand Fayard s’appuie sur l’auteur à succès Faïza Guène (Millénium blues), très suivie depuis Kiffe kiffe demain, et Robert Laffont sur le multi-récompensé Armel Job (Une femme que j’aimais). Julliard parie sur le populaire Jean Teulé, qui revient au roman historique, et sur Mazarine Pingeot qui signe, après le succès de Théa, Magda.
D’autres auteurs attendus après un succès populaire ou critique sont aussi au programme. Après Le liseur de 6 h 27, phénomène littéraire de l’année 2014, Jean-Paul Didierlaurent revient au Diable vauvert avec La fissure, tandis que Yanick Lahens, auréolée du Femina 2014 pour Bain de lune, effectue son retour chez Sabine Wespieser où elle signe Douces déroutes. Après le Renaudot des Lycéens 2016, Lenka Hornakova-Civade porte la rentrée d’Alma avec Une verrière sous le ciel, Emilie de Turckheim (L’enlèvement des Sabines), prix Roger-Nimier 2015, celle d’Héloïse d’Ormesson, quand Vincent Almendros (Faire mouche) porte les couleurs de Minuit après son remarqué Un été. Lattès parie logiquement sur Delphine de Vigan, couronnée du Renaudot et du Goncourt des Lycéens 2015, Noir sur blanc sur Gaëlle Josse (Une longue impatience,) très attendue des libraires, et L’Observatoire s’empare du phénomène québécois Christian Guay-Poliquin dont le roman, Le poids de la neige, vient de remporter de multiples récompenses dans son pays ainsi que le prix France-Québec 2017.
Seconds romans et transferts
Après un premier roman à succès, Titus n’aimait pas Bérénice qui a lui a valu le prix Médicis 2015, Nathalie Azoulai, revient chez P.O.L - aux côtés de Jean Rolin et Nicolas Fargues - avec Les spectateurs. Comme elle, d’autres auteurs confirment leur talent en signant un second roman cet hiver. Olivier Bourdeaut fait son come-back chez Finitude, Line Papin livre Toni, de nouveau chez Stock, après L’éveil, prix littéraire de la Vocation 2016, Florent Oiseau (Paris-Venise) revient chez Allary deux ans après le remarqué Demain, je vais m’y mettre, quand Camille Pujol signe Le journal d’une âme rêveuse chez Michel Lafon. Le patron de la BRI, Christophe Molmy (Quelque part entre le bien et le mal) prend ses quartiers à La Martinière, le juge Marc Trévidic (Le magasin jaune) est fidèle à JC Lattès, tout comme Emmanuel Villin à Asphalte où il publie Microfilm, un an et demi après Sporting Club qui paraîtra en janvier au format poche chez Folio. Même configuration pour Paul Baldenberger dont La fabrique des hommes paraîtra aux Equateurs, en même temps que la version poche de son premier roman, A la place du mort, programmé aussi chez Folio. Près de trente ans après la publication de son premier roman chez Gallimard, Camille Guichard transforme l’essai au Mercure de France avec Pique-nique, pendant que l’éditeur (chez Grasset) Joachim Schnerf (Cette nuit) arrive chez Zulma après avoir fait ses premiers pas à L’Olivier. Anne Carrière mise sur Philippe Dessertine (Le talent assassiné), La Contre-allée sur Thomas Giraud et son exofiction La ballade silencieuse de Jackson C. Frank, le Rouergue marche avec Claire Gallen (Rien à voir avec l’amour), de retour après Les riches heures, quand Calmann-Lévy mise sur le jeune Boris Bergmann (Nage libre), remarqué à la rentrée littéraire 2016 avec Déserteur. L’éditeur programme également un nouveau venu à son catalogue, Erik L’Homme (Déchirer les ombres), particulièrement connu pour ses ouvrages destinés à la jeunesse. Dans le même temps, la maison voit partir deux de ses plumes. Après une petite dizaine de titres publiés chez Calmann-Lévy, Jean-Pierre Gattégno signe son nouveau roman, Les aventures de l’infortuné marrane Juan de Figueras, chez L’Antilope, tandis que Martine Delomme arrive à L’Archipel avec Après les ténèbres.
D’autres mouvements d’auteurs sont attendus cet hiver. Caroline Pascal (Juste une orangeade) suit le mouvement lancé cette année et passe de Plon à L’Observatoire dont Lisa Liautaud, ancienne éditrice du domaine français de Plon, assure la direction littéraire. De son côté, Plon accueille Jean-Michel Riou (10 000 jours pour l’humanité), auteur de nombreux romans historiques, signant de longue date chez Flammarion, qui réalise de son côté une belle "prise" avec l’entrée au catalogue de Maryline Desbiolles (Rupture), fidèle du Seuil à qui elle avait apporté le prix Femina 1999. Le jeu des chaises musicales continue avec Christian Garcin (Les oiseaux morts de l’Amérique) tout juste arrivé chez Actes Sud après plusieurs ouvrages chez Stock qui ouvre son catalogue à Christophe Bigot (Autoportrait à la guillotine) auparavant édité à La Martinière. Après 9 romans réalisés chez Gallimard, Alain Sevestre part chez Phébus où il livre L’immense regret qui me conduit sur le chemin de chez moi. La maison du groupe Madrigall voit aussi partir l’écrivaine et poète mauricienne Ananda Devi, prix des Cinq Continents de la francophonie 2006, qui rejoint l’écurie Grasset avec le poignant Manger l’autre. Grasset accueille dans le même temps la fresque romanesque courant sur cinq générations de Viktor Lazlo (Les passagers du siècle), jusqu’alors publié chez Albin Michel, qui perd Eric Pessan dont le Don Quichotte, autoportrait chevaleresque est programmé chez Fayard, mais retrouve Stefan Liberski (La cité des femmes) plus de vingt ans après G.S., écrivain tout simplement. D’autres éditeurs retrouvent leurs auteurs après une longue absence. C’est le cas de Marc Villard qui signe chez Joëlle Losfeld, Les biffin, suite de Bird que l’écrivain avait livrée à la maison il y a dix ans. De même, Julien Bouissoux retrouve L’Olivier avec Janvier, dix ans après Voyager léger.
En guerre
L’onde de choc des attentats de 2015 qui avait fortement imprégné la production littéraire depuis, tend à s’estomper, tout comme la présence des ouvrages ayant trait à la politique qui avaient fleuri à l’approche des élections présidentielles. Le thème de la menace terroriste transparaît cependant encore dans le roman de Pascal Torres (Chocs) au Passage, celui de la radicalisation chez Franck Lanot avec Le retour à Blanchelande (Le Passeur), les débats autour de l’état d’urgence prennent vie sous la plume de Noémi Lefebvre qui livre chez Verticales Poétique de l’emploi, tandis que Jean-François Roseau fait gravir au héros d’Une comédie à la française (de Fallois) les échelons d’un parti d’extrême droite nommé PN. Sans polarisation particulière, le cru 2018 explore les multiples sujets dont s’empare traditionnellement la littérature. La quête du bonheur avec Celui qui comptait être heureux longtemps d’Irina Teodorescu (Gaïa),les passions troubles dans le Benedict de Cécile Ladjali (Actes Sud), la maternité grâce à Tombée des nues signé Violaine Bérot (Buchet-Chastel), des tranches de vie dans le O Pulchérie de Nathalie Sauvagnac (Denoël), la beauté du voyage avec L’homme qui parle juste d’Anne Quéméré (Arthaud), ou encore la Seconde Guerre mondiale. Toile de fond de plusieurs ouvrages récompensés par les grands prix de l’automne comme L’ordre du jour d’Eric Vuillard (Actes Sud), Goncourt 2017, cette période est tout particulièrement explorée par les romanciers en cette rentrée d’hiver. Dans Le cas singulier de Benjamin T., Catherine Rolland (Les Escales) maintient son héros entre deux époques, Christian Laborde raconte dans Tina (Rocher) l’histoire d’amour entre un lieutenant allemand et une femme qui devra faire face aux jugements de la Libération, Sébastien Rutés décrit avec La vespasienne (Albin Michel) l’intrusion de la violence de la guerre dans l’univers de son héros tandis que l’ancien diplomate irlandais Dov Lynch propose dans Hauts-fonds - qu’il a lui même traduit en français - le face-à-face entre un officier de la police criminelle autrichien et un soldat américain alors que Vienne vient juste de tomber aux mains des Américains. La Shoah est au cœur du roman de Benoît Duteurtre qui retrace dans La mort de Fernand Ochsé (Fayard) le parcours de ce dessinateur et compositeur juif, interné à Drancy puis déporté à Auschwitz où il trouva la mort. Survivant de ce camp de concentration, le héros de Où passe l’aiguille de Véronique Mougin (Flammarion) connaît une fulgurante ascension dans le monde de la haute couture, et Ysabelle Lacamp décrit dans Ombre parmi les ombres (Doucey) la rencontre entre le poète Robert Desnos et Léo Radek, dernier enfant survivant du camp de Terezin.
Florian Oger détaille dans Revenir (éditions du Carnet à spirale) la montée de l’antisémitisme, l’exode, la déportation et le retour des camps tandis que l’actrice et scénariste Marceline Loridan-Ivens livre en collaboration avec Judith Perringon, L’amour après (Grasset) où elle revient sur son rapport à l’amour depuis sa sortie du camp d’Auschwitz-Birkenau. Enfin, Alain Jomy insuffle une bonne dose d’humanité et d’espoir dans Olga et les siens (Alma), récit autobiographique dans lequel l’héroïne, juive polonaise, trouve refuge dans un village de Corrèze où elle s’intègre et fait venir les siens grâce à des habitants qui s’opposent à leur persécution. P. L.
Huit incontournables français
Premiers romans : la vie autour de soi
Entre fiction et autofiction, la rentrée d’hiver montre des primo-romanciers concentrés sur l’intime avec la figure parentale en exergue. De nouvelles plumes venues du droit côtoient celles déjà installées dans les lettres.
Parmi les primo-romanciers de la rentrée d’hiver 2018, les femmes sont majoritaires : elles sont 36 sur 64. Sans surprise, nombre des primo-romanciers partagent l’expérience de milieux professionnels où l’on manie les mots, comme l’illustre le panel des six auteurs publiés chez Gallimard. Parmi eux, Fabrice Chêne, auteur de L’inversion du Gulf Stream, est enseignant agrégé de lettres modernes dans un lycée de l’Essonne, Benjamin Pitchal (La tête de l’emploi) gère une librairie de livres anciens à Paris, et Violaine Huisman (Fugitive parce que reine) organise des événements littéraires à New York.
A la suite de Gallimard, Grasset propose cinq premiers romans, dont celui de la comédienne Isabelle Carré (Les rêveurs). Flammarion en ajoute trois à son catalogue avec Une vie minuscule de Philippe Krhajac, La suivante de Sarah Emmerich et Habiletés sociales de Camille Cornu, écrivaine récemment titulaire d’un master de création littéraire de l’université Paris-8 Saint-Denis. Comme l’an passé, la rentrée compte dix journalistes passés du côté de la fiction. On y trouve notamment Guillaume Para, journaliste politique, qui publie Ta vie ou la mienne chez Anne Carrière, Ghislain Loustalot, ancien rédacteur en chef à VSD et auteur de La première nuit chez JC Lattès, ou encore Baptiste Touverey, contributeur notamment au magazine Books, avec Constantinople chez Robert Laffont.
De façon plus inattendue, la rentrée 2018 révèle la présence d’auteurs issus du monde du droit. Chez Fayard, Adeline Baldacchino, auteure de Celui qui disait non, est tout à la fois poète et magistrate. Les éditions Lazare et Capucine publient Le rêve en deuil de Patrick Potier, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Justice, tandis que Stock livre le premier roman de l’avocate pénaliste Constance Debré, intitulé Play boy. Chez Grasset, Richard Malka, avocat spécialiste du droit de la presse, signe Tyrannie, et Isabelle Sivan, avocate en propriété intellectuelle, rejoint cette lignée d’auteurs à la plume habituellement juridique avec Dankala chez Serge Safran.
Inspiration familiale
Il est frappant de constater combien on s’inspire de sa propre vie dans une première publication. Avec un penchant pour la figure parentale, les primo-romanciers de cet hiver fouillent dans l’intime des relations familiales. Dans Seuls les enfants savent aimer au Cherche Midi, le chanteur Cali se fait écrivain et revient sur son enfance endeuillée par la perte de sa mère. La Biélorusse Aliona Gloukhova s’attarde également sur la perte d’un parent en évoquant le naufrage en pleine mer de son père l’année de ses 7 ans (Dans l’eau je suis chez moi, Verticales). En donnant la parole à son héros Phérial Chpapjik, l’anagramme de son nom, Philippe Krhajac revient sur son expérience des familles d’accueil dans Une vie minuscule chez Flammarion.
Dans 1 144 livres de Jean Berthier chez Robert Laffont, un bibliothécaire né sous X reçoit le mystérieux héritage de sa mère dont il cherche à découvrir l’identité. La relation parentale est prétexte à faire renaître les souvenirs d’une époque ou de personnalités marquantes, comme dans La tête de l’emploi (Gallimard), où Benjamin Pitchal s’inspire du destin de son grand-père Alain Gheerbrant, étant connu comme l’éditeur d’Antonin Artaud, écrivain et explorateur. De façon similaire, Isabelle Carré dresse le portrait de la bohème des années 1970 à travers son histoire familiale dans Les rêveurs (Grasset). Fugitive parce que reine de Violaine Huisman (Gallimard) s’attache à l’amour inconditionnel entre une mère et sa fille tandis que Ghislain Loustalot décrypte les confrontations entre père et fils sur deux générations dans La première nuit chez JC Lattès. Parmi cet étalage de romans nourris de filiations réelles, Alexandre Brandy fait figure d’imposteur assumé et raconte dans Il y a longtemps que je mens (Grasset) ses multiples manipulations afin de se faire passer pour le neveu des puissants Saad Hariri, Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad et, ainsi, visiter les plus belles demeures de Paris.
Lé. L
Auteurs étrangers : une rentrée prudente
Echaudés par une année 2017 calamiteuse, les éditeurs de littérature étrangère misent sur les valeurs sûres tout en se risquant à publier quelques auteurs russes dans la perspective du salon Livre Paris dont ils seront les invités d’honneur.
Les romans étrangers se vendent moins qu’avant, or ils coûtent chers à la publication en achats de droits et en traduction. Traumatisés par les résultats de leurs ventes en 2017, les éditeurs ont resserré leurs programmes et choisi de publier moins de titres en janvier et février 2018 - 153 contre 180 l’année précédente -, soit une baisse de 17,6 %, se repliant sur des valeurs sûres, des livres récompensés par des prix ou soutenus par une manifestation littéraire.
Outre Aharon Appelfeld, Paul Auster, Louise Erdrich, Elena Ferrante, Arundhati Roy, et un inédit d’Isaac Bashevis Singer, on retrouvera en cette rentrée des grands noms comme Sebastian Barry, avec Des jours sans fin, l’histoire d’un Irlandais de 13 ans émigré aux Etats-Unis et enrôlé de force dans l’armée (Joëlle Losfeld), les Américains Shannon Burke (Dernière saison dans les Rocheuses, 10/18) et Jonathan Franzen avec Phénomènes naturels, une comédie familiale écrite en 1992 avant Les corrections (L’Olivier), le Danois Jens Christian Grondahl (Quelle n’est pas ma joie, Gallimard), le Catalan Juan Marsé, racontant l’assassinat d’une prostituée dans un cinéma barcelonais en 1949 (Cette putain distinguée, Bourgois), le Chinois Mo Yan, prix Nobel de littérature 2012, avec Chat blanc et balançoire, composé de sept souvenirs de jeunesse (Seuil).
Grands prix littéraires étrangers
Cette rentrée n’en fait pas moins l’objet de gros investissements. Les Escales publient en avant-première mondiale, La fêlure, premier roman de la Britannique Kate McNaughton, une enquête sur l’histoire familiale qui mène l’héroïne à Berlin. Plon table sur Jonathan Dee, dont Ceux d’ici confronte les mondes de la ville et de la campagne ; et Belfond mise sur Alexander Maksik (auteur de La mesure de la dérive), L’oiseau, le goudron et l’extase, mettant en scène une réfugiée sur fond de violence conjugale. Flammarion parie sur Elif Shafak, traduite en 40 langues, avec Trois filles d’Eve, une satire violente de la bourgeoisie stambouliote. Et Gallmeister sur Jim Lynch, annoncé comme le nouveau John Irving, avec deux titres : Face au vent, et son premier roman inédit en français, Les grandes marées.
Parallèlement, les éditeurs se rassurent en s’appuyant sur les grands prix littéraires étrangers. Une vie comme une autre, premier roman de Hanya Yanagihara (Buchet-Chastel), une histoire d’amitié masculine, a été couronné par le Kirkus Prize for Fiction 2015, et finaliste du Man Booker, du Baileys Women’s Prize for Fiction et du National Book Award. Le pouvoir de Naomi Alderman (Calmann-Lévy) a reçu le Bailey’s Women’Prize. Exit West de Mohsin Hamid (Grasset), qui raconte la fuite de réfugiés du Moyen-Orient pour la Grèce et les Etats-Unis, s’est retrouvé finaliste du Man Booker Prize. Konbini de Sayaka Murata (Denoël) a remporté le prix Akutagawa, et Trente jours d’Annelies Verbeke l’Opzij Literature Prize (Fleuve éditions). Tandis que Zulma s’appuie sur le Swedish Academy’s Nordic Prize, dit le "petit Nobel", décerné pour l’ensemble de son œuvre à Einar Már Gudmundsson pour nous faire découvrir son chef-d’œuvre, Les rois d’Islande.
Fortes des 70 000 ventes de Luz ou Le temps sauvage, les éditions Anne-Marie Métailié espèrent dans Double fond, le nouveau roman de l’Argentine Elsa Osorio. Déjà publiés et reconnus des lecteurs français, seront au rendez-vous Nadeem Aslam (Seuil), Jami Attenberg, l’auteure de La famille Middlestein (Les Escales), John Banville (R. Laffont), Gudbergur Bergsson (Métailié), Robert Olen Butler (Actes Sud), Elizabeth Crane (Phébus), Friedrich Christian Delius (Fayard), Rachid El-Daïf (Actes sud), Anosh Irani (P. Rey), Hari Kunzru (JC Lattès), José Carlos Llop (J. Chambon), David Malouf (Albin Michel), Giorgio Scianna (Liana Levi) et Kjell Westö (Autrement).
Russes
Dans la perspective du salon Livre Paris, dont la Russie est le pays invité, certaines maisons proposeront des traductions dès janvier : Le dernier rêve de la raison de Dmitrij Mihajlovic Lipskerov (Agullo), L’autre voie de Boris Akounine et L’esprit du loup d’Alexei Varlamov chez Louison éditions, et Les confessions d’un homme amoureux de Robert Engibarian et Bienvenue chez les Russes ! de Kirill Privalov chez Macha Publishing, deux maisons spécialisées dans la littérature russe. Enfin, cette rentrée sera aussi l’occasion de découvrir les premiers titres de Delcourt en littérature, Une ville à cœur ouvert de la Polonaise Zanna Sloniowska, une saga ukrainienne, et Peur de l’Allemand Dirk Kurbjuweit. A moins qu’on ne préfère un titre rare comme Mourir après le jour des Rois du Mexicain Manuel de la Escalera (Bourgois), sorti clandestinement de prison et publié en 1966 sous pseudonyme.
C. C.