Ceux qui doutent encore que la littérature jeunesse soit un lieu d’expression artistique à part entière doivent feuilleter cet album. Idem pour ceux qui pensent encore qu’elle n’est pas apte à traiter de thèmes difficiles. Voici donc un album qui parle de la disparition d’un être cher. Autrement dit de mort. Les filles du photographe belge Hubert Grooteclaes, pour le vingtième anniversaire de la disparition de ce dernier, ont eu la bonne idée de demander à l’auteur belge Rascal d’écrire le texte de ce livre hommage à leur père. Pour saluer la mémoire et le talent du grand photographe, laissons la parole au poète Joseph Orban : "Quand Grooteclaes déclenche son obturateur, ce n’est pas une machine qui bâille, c’est un cœur qui impressionne la lumière." Cerisiers en fleur, route dans un paysage de neige, parc avec bancs publics déserts, visage de petite fille dans un feuillage… les photos de l’album sont extraites de la série "tirages flous" que l’artiste a coloriés dans des tons pastels. Autant de "traces" du passage éphémère de notre vie sur terre, des instants d’éternité saisis dans notre trajectoire de comète. La poésie discrète du texte de Rascal est à la hauteur de ces images nimbées d’évanescence. "Les fleurs naissent, grandissent et meurent en moins de trois saisons…", écrit-il, "comme le secret des arbres, ma tristesse est cachée". "Les statues des jardins se moquent du temps qui passe et jamais ne revient." Texte et illustration se répondent dans la forme et le fond. Un album où tout est mystère. Même le titre… mais on ne résiste pas au plaisir d’en livrer la clé : "Il faut 8 minutes et 19 secondes pour que la lumière [du soleil] parvienne jusqu’à la Terre." Fabienne Jacob