Lettres de la guerre, d'Ivo M. Ferreira, est une transposition contemplative en noir et blanc de la correspondance qu'Antonio Lobo Antunes adressait à son épouse lorsqu'il était mobilisé sur le front angolais, au début des années 1970. Ce film audacieux, où les lettres sont énoncées en voix off, permettant de valoriser le texte du jeune médecin, mélange ainsi les mots du futur écrivain, son regard sur le conflit, l'intimité de sa relation amoureuse à distance et les paysages africains sublimés. Ce n'est pas seulement son amour qui est interrompu, c'est aussi sa jeunesse qui est foudroyée. Il écrit ainsi qu'après "un tel enfer, on change beaucoup. On n'a plus envie de lutter et de résister."
Lettres de la guerre, publié chez Christian Bourgois en 2006, a été écrit avant le premier roman de l'auteur portugais, qui, d'ailleurs, écrit ses premiers chapitres au fil du récit cinématographique. Appartenant à la femme de l'écrivain, ce sont les enfants du couple qui ont décidé de les publier, après sa mort. "Qu'elle qu'en soit l'approche, littéraire, biographique, document de guerre ou histoire d'amour, nous savons qu'elles sont extraordinaires sous tous ces aspects" écrivaient Maria José et Joana Lobo Antunes dans la préface du livre.
Pour le cinéaste, il s'agissait d'aborder la guerre coloniale à travers une histoire romantique et sensible. Ivo M. Ferreira a collaboré avec les deux filles de l'auteur, afin d'apporter des détails de la vie quotidienne d'Antonio Lobo Antunes, mais aussi avec ses anciens camarades pour amener du réalisme dans la description de la vie militaire.
Signalons par ailleurs que le prochain roman d'Antonio Lobo Antunes, Pour celle qui est assise dans le noir à m'attendre, paraîtra le 4 mai prochain chez Bourgois.
Dans un autre registre, sort aussi dans les salles The Young Lady, film anglais de William Oldroyd, inspiré du roman russe de Nikolaï Leskov, La Lady Macbeth du District de Mtsensk. Le roman est édité chez Classiques Garnier, dans la collection Littératures du monde. Ce portrait de femme du XIXe siècle croise deux influences: Madame Bovary de Flaubert (1857) et MacBeth de Shakespeare. Le livre est paru en 1865.
Dans la version cinématographique, l'action est transposée dans une Angleterre aussi austère que rurale. Une jeune femme, mariée par arrangement à un lord beaucoup plus âgé qu'elle et souvent absent, s'ennuie. Décidant de reprendre son destin en main, elle vit une passion romantique et charnelle avec un palefrenier. Avant que le scandale n'éclate, elle profite du retour de son mari pour le tuer. Entre trahisons et manipulations, cette veuve noire, incarnée par Florence Pugh, irradie une histoire qui règle ses comptes avec la société patriarcale. Ainsi, l'écrivain a imaginé la première tueuse en série de la littérature russe.
Le roman de Nikolaï Leskov avait déjà fait l'adaptation en opéra et en ballet mais aussi en films (trois fois par Andrzej Wajda, Roman Balayan et Valeri Todorovski). Le titre faisait écho à un autre roman russe, édité quelques années plus tôt, Hamlet du District de Shchigrovsky, écrit par Ivan Tourguéniev (nouvelle qu'on retrouve dans Mémoires d'un chasseur, Folio "classique").
Signalons par ailleurs que les éditions des Syrtes viennent de publier un autre roman de Nikolaï Leskov, A couteaux tirés.