Avec près de 5 000 professionnels, dont 500 acheteurs venus de 75 pays selon les organisateurs, le volet professionnel du festival basé à Lille depuis 2018 a cette fois encore démontré la vitalité du secteur de l’audiovisuel en séries malgré un contexte de réorganisation accompagnée d’un léger resserrement du marché. Delphine Clot et Maÿlis Vauterin, fondatrices de l’agence Matriochkas, spécialiste des droits d’adaptation audiovisuelle d’œuvres littéraires, partagent auprès de Livres Hebdo leur expérience et leur analyse sur l’évolution du secteur, après leur deuxième participation à la manifestation professionnelle.
Livres Hebdo : Séries Mania vient de se clôturer. Pouvez-vous expliquer l’importance d’être à Séries Mania pour le secteur de l'adaptation audiovisuelle ?
Delphine Clot : Ce qui fait l'intérêt de Séries Mania, c'est sa dimension internationale. Il permet de voir l'état de la production mondiale, avec une sélection très stimulante de séries en compétition. Cela offre un aperçu de la production télévisuelle actuelle, même si ces séries sont en réalité le fruit de plusieurs années de travail. Dans le même temps, ce festival initie les projets de demain : les auteurs (scénariste ou réalisateur) et producteurs qui viennent y chercher des partenaires en pitchant leurs projets.
« Un écosystème relativement instable »
Maÿlis Vauterin : Surtout, les chaînes briefent les producteurs sur leurs attentes en termes de programmation. Dans la foulée de ces conférences, les producteurs sont en recherche de nouvelles idées en s'inspirant des tendances du marché et en s’appuyant sur ces attentes. C’est là que notre présence prend tout son sens, en tant que bureau audiovisuel indépendant accompagnant des éditeurs, capable d'être immédiatement réactives sur leurs recherches d'ouvrages à adapter. Séries Mania est un véritable accélérateur de projets !
Plusieurs études ont démontré que le marché audiovisuel au niveau global se régule, après le bouleversement lié à l’arrivée et au développement des plateformes. Quel est votre ressenti sur l’ambiance du marché, à Lille, dans ce contexte ?
M.V. : Le secteur de l’audiovisuel nous semble évoluer actuellement dans un écosystème relativement instable. Les premiers mois de l’année 2025 ont été marqués par une insécurité accrue car la chronologie des médias et son équilibre financier ont été rediscutés, notamment par Canal+, ce qui a inquiété les producteurs. De nombreux projets ont été gelés. Les choses semblent à nouveau s’être stabilisées mais il va falloir de nombreux mois pour un retour à la normale.
« Rapprochement entre les attentes des diffuseurs traditionnels et celles des streamers »
D.C. : Du côté de la production audiovisuelle, nous avons le sentiment que nos interlocuteurs sont passés d’une forme d'eldorado à un resserrement du marché. Il y a quelques années, l'arrivée des plateformes a été perçue comme autant de nouveaux débouchés possibles pour les productions, donnant également un nouveau souffle créatif au secteur. Ce que les recherches des producteurs nous donnent à voir aujourd'hui, c'est un rapprochement entre les attentes des diffuseurs traditionnels et celles des streamers : ils cherchent désormais à élargir leur public et les critères de sélection des œuvres tendent à se ressembler. Même s'il est toujours important de savoir faire un pas de côté pour faire la différence !

M.V. : Cela dit, les chaînes traditionnelles ont été challengées par les productions audacieuses des plateformes. Elles font de plus en plus preuve d'ambition et s’ouvrent à de nouveaux genres pour capter un public plus jeune.
« Les projets se signent et se montent plus difficilement »
Matriochkas a trois ans d’existence et c’est votre deuxième participation à Séries Mania. Comment avez-vous vécu cette nouvelle participation en tant que bureau audiovisuel indépendant ?
D.C. : Les producteurs sont toujours curieux de nouvelles opportunités, même s’ils nous disent aussi être plus contraints financièrement. Les projets se signent et se montent plus difficilement, ils veulent donc limiter leurs risques. Il est difficile de faire des généralités mais nous avons le sentiment qu'ils suivent davantage les briefs des diffuseurs au lieu de proposer des projets plus audacieux qu'ils étaient encore capable d'envisager l'année dernière.
M.V. : Pour autant, ce festival nous a confirmé que certains des projets que nous avons choisis de mettre en avant sur cette édition étaient bien positionnés sur le marché. Nous allons recevoir des offres pour deux d’entre eux dans les semaines à venir. La diffusion des premières productions que nous avons initiées (Dear you sur Prime, Quand tu écouteras cette chanson sur France TV) a confirmé que Matriochkas, en étant très à l’écoute du marché et des attentes des producteurs, était un partenaire pertinent pour impulser de nouveaux développements.