Ados laissés. Attention, livre culte ! Toutes les sixties obliques se sont approprié le soufre et les douleurs de cet Only Lovers Left Alive. Nicholas Ray a eu entre les mains un projet de film financé par les Rolling Stones qui n'aboutira pas. Jim Morrison et ses Doors y puiseront quelques couplets venimeux avant que la planète rock'n'roll n'en fasse l'un de ses étendards éternels. Jim Jarmusch empruntera le titre pour son film de 2013, d'autres en feront un frontispice d'album (comme les Wanderers de Steve Bators) ou la sève d'innombrables chansons acrimonieuses. Il aura néanmoins fallu attendre exactement soixante ans pour qu'une première publication française digne de son rang soit enfin accordée à cette dystopie brutale et hallucinée. Elle se passe dans un futur proche, devenu possible présent moche. Sauf que dans le monde parallèle de Dave Wallis, les adultes ne démissionnent pas à notre façon mais se suicident, laissant la jeunesse semer les pépins à peine récoltés de L'orange mécanique d'Anthony Burgess (publiée deux ans auparavant, en 1962) sur un sol britannique rendu à l'état sauvage. Contraints de quitter une cité londonienne livrée aux gangs de marmots, à la famine et aux épidémies, Ernie, Kathy, Roberts et leur bande de petits poucets destroy rallient Windsor puis le Nord et les Highlands, vers une sorte d'illusoire terre promise. Mais la violence et le système D perdurent, sans espoir ni réconfort pour ces cousins trash des enfants de Jules Verne ou d'Enid Blyton.