En écho aux préoccupations contemporaines et aux changements sociaux, de nouvelles thématiques s'invitent dans le vaste champ du middle-grade. En prenant le lecteur au sérieux, celles-ci participent également à un renouvellement de l'offre éditoriale. « Le segment a longtemps souffert de l'idée qu'il faut protéger les enfants de certains sujets d'actualité. Aujourd'hui ça change, les auteurs osent davantage s'emparer, de façon intelligente, des problématiques sociétales », observe Charline Vanderpoorte, éditrice chez Thierry Magnier.
Particulièrement exposée aux enjeux climatiques, la « Gen Z » est très sensible aux livres qui explorent la question de la préservation environnementale. Si les documentaires et la bande dessinée se sont fait des formats de choix pour traiter la thématique (à l'instar du docu-fiction 10 idées reçues sur le climat chez Glénat), celle-ci fait désormais l'objet d'une approche moins frontale, davantage distillée à travers l'offre de fiction.
Jeunesse écolo
Ainsi, Jojo et la renarde d'Isabelle et Marc Cantin (Talents Hauts, 22 août 2025) traite des oppositions familiales autour de la question de la chasse. Omaya et Louve. Le fleuve entre deux mondes, premier ouvrage middle-grade de Caroline Solé (27 août 2025, Albin Michel) questionne le lien entre nature et pollution numérique et tente de réconcilier deux mondes. Au Seuil Jeunesse, April et le dernier ours de Hannah Gold, dont le 2e tome a paru en février dernier, évoque en filigrane l'avenir incertain de l'ursidé du Grand Nord.
Outre la question écologique, d'autres motifs cristallisés autour de réalités sociales plurielles se dessinent dans les coulisses de récits aux univers forts. « Le tour de force de la fiction, c'est de parler de questions sociales sans les évoquer de façon didactique », acquiesce Hélène Pasquet chez Bayard Jeunesse. Dans la maison, ces concepts s'invitent aussi bien dans le traitement du quotidien, avec des titres comme Voisines d'Aliénor Debrocq à paraître en septembre, que par l'intermédiaire d'univers fantastiques (Wesh, la fée ou Amari).
De la même manière, Actes Sud Jeunesse vient de faire paraître Les oiseaux rares de Marie Colot, récit abordant la question du handicap de façon très poétique, tandis que Le Seuil Jeunesse a publié Comment rester invisible de Maggie C. Rudd, évoquant à la fois la question de la précarité, de l'exclusion ainsi que celle de la défaillance parentale.
En quête d'intime
À cheval entre l'enfance et l'adolescence, les enfants situés sur le segment middle-grade sont également en proie à des interrogations plus individuelles, de la quête d'identité au harcèlement, en passant par la relation à autrui ou le rapport à la différence. À L'École des Loisirs, le traitement de la peur est abordé avec Même les lions ont peur, le rapport aux jeux vidéo est interrogé à travers Z, le jeu de ma vie (collection « Neuf »), tandis que Le cœur, le corps et tout le reste (collection « Médium », 21 mai 2025) explore la découverte de la sexualité, affectée par la consommation pornographique.
Du côté d'Auzou, la série à succès Les influenceuses, dont le 6e tome est paru fin avril, suit une bande de copines à l'origine d'une chaîne YouTube. Au fil des épisodes, les quatre collégiennes luttent contre le sexisme et le racisme, viennent en aide à une amie, dépassent leurs a priori et vivent leurs premiers émois.
Premières fois
Parmi les préoccupations chères aux préadolescents, les premières relations amoureuses sont évoquées, du côté de Poulpe Fictions, à travers le livre-jeu Crush collège, « première romance dont tu es l'héroïne ». Une demande venue des libraires, inquiets de la curiosité des jeunes lecteurs pour des titres souvent inappropriés pour leur âge.
Pour accompagner cet âge charnière, Rageot prépare la série Mon cœur Corée de Véronique Delamarre et Camille Fourcade (14 mai 2025) ; un clin d'œil à la pop culture coréenne très en vogue chez les jeunes. De son côté, Albin Michel concocte, pour avril 2026, une collection de « romans sentimentaux », commandés à six auteurs différents et adaptés aux 10-12 ans. « Les titres y aborderont les questions de première fois, de genre, de coming out, mais aussi les relations sociales, la peur de grandir ou encore la santé mentale, en valorisant la tolérance, la solidarité et la gentillesse », détaille Karine Van Wormhoudt, directrice adjointe du département.