Le cimetière des rêves. Il est curieux d'avoir pensé si souvent à une personne comme si elle était vivante alors qu'elle est déjà morte sans qu'on n'en ait jamais rien su. Une des amies de Dora lui annonce le décès de son psychanalyste. Comment ça, décédé ? Dora a du mal à se l'imaginer mort. Car, quoiqu'elle eût arrêté de le voir après le transfert de son propre cabinet de podologue du centre de Lille vers la banlieue, il ne cessait d'occuper l'esprit de Dora - de la visiter en imagination comme si elle avait poursuivi les séances. Trois ans sur le divan qu'elle avait quitté trop tôt, mais tous ces embouteillages pour se rendre du travail chez Serge Vergritz, ce n'était pas possible... Vergritz avait dit : « Votre travail vraiment ? » Dans son enfance, la podo-orthésiste s'appelle encore Marilyn, d'après l'archétypale actrice blonde, un choix de sa mère elle-même blonde, un prénom qu'elle déteste. En début d'adolescence, elle opte pour Dora lorsque meurt son père adoré, bêtement tombé du toit de la maison alors qu'il essayait de réparer l'antenne de la télévision... Dans cet autre travail - la thérapie avec Serge Vergritz -, elle revenait sur l'événement traumatique, la fin soudaine d'un homme idéalisé, comme le coup de grâce donné à son enfance et à sa croissance - devenue femme, elle ne s'était jamais épanouie avec les hommes... Maintenant, de toute façon, c'est trop tard. Pas qu'elle soit si vieille, mieux seule qu'accompagnée, pense-t-elle, elle voudrait juste rendre un dernier hommage à son psy. Renseignement pris, il serait enterré dans son village natal près de Bruges.

Dans un cimetière au cœur de la campagne flamande, l'héroïne de Dernière séance de Christine Desrousseaux se retrouve à chercher la tombe du psychanalyste, il pleut à verse, elle tente de s'abriter. Quand elle tombe nez à nez sur un type le pantalon aux chevilles, elle s'enfuit. De retour au cimetière, elle aperçoit un attroupement de policiers. Gît au sol l'exhibitionniste de la veille, le crâne fracassé. L'autrice de Mer agitée (Kero, 2017) tisse un subtil écheveau de peurs et de fantasmes et jette son personnage faussement lisse dans les abîmes du doute et les bras d'un inspecteur ressemblant à Peter O'Toole. À travers la quête du tombeau du psy, Christine Desrousseaux signe un portrait de femme proprement palpitant.