Attablé au café d’en bas de chez lui, il relit des notes en buvant un Perrier. Déjà un nouveau roman alors que celui-ci ne sortira qu’en janvier ? Non, l’auteur de Chut médite, annote des phrases glanées au fil de ses lectures. "C’est nouveau, explique Charly Delwart, je me sers de ces citations comme supports de réflexion pour l’écriture. Là, c’est Kundera, il dit que le personnage est comme un ego expérimental."

Chez cet auteur bientôt quadra à l’enthousiasme juvénile et au débit de mitraillette, les thèmes sont centraux. Un faux journaliste met en scène des événements d’actualité qui vont permettre d’alimenter le flux des images d’information (Circuit, Seuil, "Fiction & Cie", 2007) ; un fils de dictateur assoit sa légitimité en transformant sa nation d’opprimés en gigantesque studio de cinéma (Citoyen Park, même éditeur, 2012) ; dans L’homme de profil même de face (même éditeur, 2010), c’est une liste sous forme de vignettes un brin dada comme autant de microhappenings. On sent que le garçon aime les idées (avant des études de lettres modernes puis un détour par l’audit financier, il avait hésité à faire de la philo)…

Scénariste

Si l’imagination foisonne, une réflexion sur la fiction même traverse ses ouvrages tel un fil rouge. Le romancier, né en 1975 à Bruxelles, a le sentiment que son nouveau livre forme avec Circuit et Citoyen Park "un triptyque" sur le processus créatif : fiction au service d’elle-même, fiction comme justification d’un pouvoir usurpé, ou encore tournée vers le monde. Ainsi de Chut qui se passe dans la Grèce de la crise et dont l’héroïne, une jeune fille, se construit en écrivant son journal alors que tout autour d’elle se délite - des mots pour elle et le salut des autres.

Si Delwart reconnaît l’importance des idées, il n’ignore pas la forme. Les deux ne sont pas contradictoires. Pour preuve, ces artistes conceptuels, comme l’Américaine Jenny Holzer dont il est féru, qui forgent des slogans et les érigent en monumentales sculptures urbaines. Ici, c’est l’intrigue qui donne chair au concept. A vrai dire, raconter des histoires ou les rendre efficaces, c’est son métier : Charly Delwart est aussi scénariste. Il a travaillé sept ans à développer des projets dans une boîte qui produisait des films grand public comme Le marquis, avec Franck Dubosc (2011). La pratique scénaristique lui a appris à "clarifier la ligne", mais rien ne vaut l’écriture romanesque pour "le plaisir de la phrase". Plaisir que, chez lui, nous ne boudons pas non plus.

Sean J. Rose