"Ce sont les maisons d'édition moyennes qui m'inquiètent"

"Ce sont les maisons d'édition moyennes qui m'inquiètent"

Spécialiste des industries culturelles, l'économiste Françoise Benhamou note une fragilisation du continuum qui s'étire des grands groupes aux plus petits éditeurs.

J’achète l’article 1.5 €

Par Fabrice Piault
avec Créé le 28.10.2014 à 17h36 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Françoise Benhamou.- Photo OLIVIER DION

L'hyperconcentration de l'édition était presque inscrite dans l'histoire", estime Françoise Benhamou. Interrogée par Livres Hebdo sur la signification de la fusion Penguin-Random House pour l'organisation du tissu éditorial, l'économiste, professeure des universités, membre de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), et par ailleurs blogueuse sur notre site Livreshebdo.fr, voit dans ce mouvement la résultante "à la fois de la crise et de la mondialisation".

Livres Hebdo -Avec la fusion Penguin-Random House, l'édition est finalement rattrapée par la mondialisation ? Françoise Benhamou - Elle était longtemps restée à l'écart, mais elle s'y trouve désormais entraînée comme les autres secteurs économiques. Il se trouve que, d'une manière générale, la mondialisation accroît les différences au sein des sociétés et les réduit entre les sociétés. Rapportée à l'édition, cette théorie économique signifie que les acheteurs globaux ont plus de chance de se faire entendre dans tous les pays, ce qui pousse à la concentration autour de groupes qui peuvent porter leur production partout.

Qu'est-ce que cela change dans le paysage de l'édition ?

Je me demande si le phénomène de longue traîne que l'on observe dans la consommation avec, à côté des best-sellers, une longue série de petites ventes, n'est pas en train de se dupliquer au niveau des producteurs, avec des mastodontes mais aussi de nouveaux espaces pour de toutes petites structures. On assiste à une baisse des barrières et des coûts d'entrée dans l'édition, et même, grâce au numérique, dans la diffusion et la distribution, tandis que peuvent aussi se créer facilement des "pure players" numériques. Du coup, ce qui m'inquiète, c'est ce qui se passe pour les maisons moyennes, au milieu de cette espèce de longue traîne, entre les grands groupes et les petites structures. Il y a toujours un continuum, mais c'est aujourd'hui surtout aux deux extrémités qu'il se passe quelque chose, autour du numérique et des nouvelles pratiques d'un côté, au niveau des mastodontes de l'autre.

Comment les métiers de l'édition évoluent-ils dans ce contexte ?

Les métiers se trouvent évidemment transformés par la globalisation, qui donne plus de place aux grands groupes et plus d'importance aux ventes de droits. Les éditeurs sont aussi confrontés aux défis de l'investissement des réseaux sociaux et des communautés. Or, ces préoccupations sont aujourd'hui plus portées par les petites structures de la longue traîne, ainsi que par les géants qui disposent des moyens ad hoc, que par les éditeurs intermédiaires, qui s'appuient sur des techniques de promotion et de commercialisation encore très traditionnelles, surtout dans un pays comme la France où subsiste un réseau de librairies puissant. Les nouvelles voies de la prescription et de la promotion sont encore très peu explorées.

Les dernières
actualités