Du règne de Louis XIV au 14 juillet 1789, la Bastille s’imposa comme le lieu du dispositif d’enfermement par lettres de cachet et devint le symbole du pouvoir arbitraire du roi. Plus de 5 000 prisonniers s’y sont succédé durant cette période qui constitue l’essentiel du livre de Jean-Christian Petitfils.
Historien apprécié du grand public pour ses biographies de Louis (XIII, XIV, XV, XVI) et pour celle de Jésus, il gomme quelques légendes et explique en quoi la Bastille révèle l’Ancien Régime. Il montre le fonctionnement, les privilèges et les coutumes de cette prison aristocratique bien moins redoutable que le Châtelet ou la Conciergerie, où l’on mangeait fort bien et qui possédait une bibliothèque de prêt.
Il présente les détenus célèbres de la forteresse dont le Masque de fer ou celui qui s’en évada par trois fois, le fameux Latude. Pour montrer la curieuse complaisance de la direction, il rapporte le cas d’un détenu que l’on autorisa à fabriquer des explosifs.
Mais il y eut aussi des suicides et des vies brisées. Criminels, tenancières de tripots, charlatans, tricheurs, escrocs, contrebandiers et aventuriers cèdent leur place aux espions, aux malades mentaux et à ceux qui ont commis les délits de "librairie" en publiant des ouvrages non autorisés. Passer par la Bastille devient une étape presque obligatoire dans une carrière. Cette case prison vaut brevet de liberté. Sade y écrivit Justine et Voltaire y fit deux séjours. C’est d’ailleurs à lui que l’on doit le terme "embastillé". L. L.