Directeur de Cairn.info, Marc Minon a annoncé lors du congrès annuel de l'Association des directeurs de bibliothèques universitaires (ADBU), du 15 au 17 septembre à Vannes, son renforcement à plusieurs niveaux (voir p. 55). La plateforme de distribution numérique créée en 2005 par quatre éditeurs universitaires bénéficiera de nouvelles fonctionnalités de recherche, d'une extension de son activité internationale et d'une ouverture à de nouveaux éditeurs et supports qui consacrent la position qu'elle a acquise.
Il y a six ans, l'initiative de De Boeck, Erès, Belin et La Découverte répondait au constat de l'érosion de leurs ventes en librairie. "J'étais alors chercheur et je réfléchissais aux différentes hypothèses d'utilisation du numérique par De Boeck », >se souvient Marc Minon, à qui revient l'idée originale du projet, à savoir la mise en ligne des revues des éditeurs fondateurs. Ce point de départ était "techniquement plus facile, puisque les revues proposaient des articles déjà indexés, rappelle-t-il. En outre, ce format était de loin le plus affaibli puisqu'il avait quasiment disparu des librairies, et que les habitudes de lecture s'étaient déjà modifiées au contact d'Internet, au point que la consultation en bibliothèque en était diminuée. Le discours d'impact de plus en plus répandu, menaçant jusqu'à l'idée même de continuer les revues, il y avait urgence."
Dès 2009, cependant, le site s'ouvre aux ouvrages collectifs et aux collections de référence : "Que sais-je ?" d'abord, puis "Repères" l'année suivante. Rien ne semble l'arrêter. La force de Cairn.info n'a pas changé depuis : c'est celle de convaincre tous les acteurs, en tenant compte des besoins et des gains de chacun. Pour les bibliothèques, l'avantage est évident : une fois abonnées au bouquet de revues de leur choix, elles y accèdent librement, et peuvent le mettre à disposition de tout leur réseau. Six cents institutions, dont 230 en France, utilisent désormais les services du portail. "Dans l'ensemble des pays occidentaux francophones, seules deux universités n'ont pas souscrit à Cairn.info », se réjouit son directeur.
Un nouveau chantier est d'ores et déjà lancé : la traduction d'une sélection d'articles avec l'aide du CNL, de façon à proposer une vitrine de la recherche francophone dans d'autres bassins linguistiques. Trois cents institutions sont concernées, en Amérique du Nord et en Asie notamment. La plateforme propose aussi une consultation à la demande pour les particuliers, les articles les plus anciens (environ la moitié) étant en accès gratuit.
CONVERSION
Comme le CNL a lui aussi été convaincu dès le départ du bien-fondé de l'entreprise, les aides à la conversion rétrospective des numéros anciens des catalogues ont permis de mettre en ligne, à l'heure actuelle, un total de 300 revues au complet, soit 130 000 articles au total. Grâce à un nouveau moteur de recherche, l'usager se verra désormais offrir la possibilité d'une veille RSS sur le sujet qui l'intéresse, de recommandations de documents traitant de questions similaires, et d'un référencement de toutes les citations du document qu'il consulte dans d'autres ouvrages, qu'ils soient ou non disponibles sur Cairn.info.
Les éditeurs aussi ont compris l'intérêt qu'ils avaient à préférer Cairn.info aux plateformes concurrentes, telles que Google : l'entreprise a en effet à coeur de proposer des offres extrêmement incitatives. "Tous les éditeurs, 80 au total, sont traités de la même façon ; notre objectif est de mettre en place un système de rémunération qui permette de compenser le risque de cannibalisation du support papier, inhérent à la numérisation. » Concrètement, Cairn.info prend une commission de 25 % pour les ouvrages, et de 33 % pour les revues. Cette commission est prélevée sur une somme qui tient compte de la part de chaque éditeur dans le bouquet, mais surtout de la consultation de chaque titre. "Il faut que les ayants droit puissent être rémunérés comme ils le seraient en termes de vente. D'autre part, cette politique de rémunération a pour but d'inciter les éditeurs à proposer aussi leurs titres phares sans crainte d'y perdre", >explique Marc Minon, qui souligne que ce système offre le taux de rémunération le plus élevé du secteur. Les éditeurs se voient également offrir des services de numérisation, de suivi de fabrication et, depuis cette année, un outil de gestion et de suivi des manuscrits permettant aux comités éditoriaux de préparer les numéros en ligne. Aucun éditeur n'a quitté Cairn.info depuis le lancement de la plateforme. Cette année, Minuit va rejoindre l'aventure, et la collaboration avec Le Seuil, L'Harmattan et EDP Sciences sera développée systématiquement.
"Nous sommes un service documentaire, nous ne voulons pas devenir une librairie numérique », insiste le directeur, en soulignant qu'aucun titre n'est disponible dans son intégralité à la vente aux particuliers, et que l'équipe ne travaillera pas en direction des ebooks pour ne pas concurrencer les librairies. Une ambition purement philanthropique alors, qui vient donner un nouveau souffle à un secteur fatigué ? Non. Le bénéfice est là. Ce qui n'empêche pas l'ambition de se porter ailleurs : « Nous voulons devenir une bibliothèque », indique Marc Minon. Il vise 20 000 titres de monographies de recherche disponibles dans les cinq prochaines années, dont les 2 000 premiers au début de 2012.