Spécialisé en poésie et éditeur d’Hélène Dorion, première autrice vivante inscrite au programme des œuvres obligatoires au baccalauréat de français, Bruno Doucey inaugure ce 3 mars une collection de poche intitulée « Sacoche ». Le recueil d’Hélène Dorion, Mes forêts, ouvre la série avec un tirage exceptionnel. « Nous avons imprimé 10 000 exemplaires dans un premier temps, indique Bruno Doucey, fondateur de la maison éponyme. L’œuvre d’Hélène Dorion ne commencera à être étudiée qu’à partir de la rentrée prochaine en vue du baccalauréat de français 2024, puis en 2025 et 2026. Ce premier tirage est destiné aux enseignants afin de les aider à faire leur choix. Un deuxième tirage plus important de 60 000 exemplaires est prévu pour l’automne. »
Hélène Dorion n’est pas seule au programme du bac de français. Dans la catégorie « La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle », son recueil Mes forêts figure sur une liste de trois œuvres comprenant également une sélection des poèmes d’Arthur Rimbaud dans le Cahier de Douai et La rage de l’expression de Francis Ponge. Chaque enseignant devra sélectionner l’une des trois œuvres, sur laquelle ses élèves passeront les épreuves du baccalauréat. « On ne peut pas encore savoir combien d’enseignants choisiront Hélène Dorion, poursuit Bruno Doucey. L’enjeu pour nous était de proposer une édition adaptée au public lycéen en nous appuyant sur notre capacité de production et de diffusion/distribution. »
Liberté d’interprétation
Plus de 500 000 jeunes passent chaque année les épreuves du baccalauréat de français dans les filières générale et technologique, ce qui porte à 1,5 million le nombre de lecteurs potentiels sur trois ans. Bien que sollicité par quelque 25 maisons d’édition scolaires, parascolaires ou de poche désireuses de lui racheter les droits de Mes forêts, Bruno Doucey a préféré les conserver, en particulier pour défendre « une approche plus sensible et intuitive, ouverte à la liberté d’interprétation » de l’œuvre. « Nous ne voyons pas les professeurs de lettres comme des médecins légistes de l’écriture poétique, habiles à décortiquer l’anatomie d’un texte, mais peinant à en faire sentir la vibration, défend Bruno Doucey. Il nous paraît essentiel de laisser à la poésie une part d’inachevé qui laisse une grande liberté d’interprétation au lecteur. »
S’il reste le seul à proposer la version intégrale de Mes forêts, l’éditeur s’est tout de même entendu avec d’autres maisons d’édition pour la publication d’ouvrages parascolaires citant des extraits de l’œuvre, dans la limite de deux poèmes intégraux ne dépassant pas chacun une page ou une page et demie. Gallimard avec « Foliothèque Lycée », Belin, Nathan et Hatier (Profil d’une œuvre, Annabac, Prépabac et un cahier d’activités) sont notamment concernés.
Au-delà de l’aspect éducatif, l’enjeu est également économique pour Bruno Doucey. Mes forêts s’est jusqu’à présent vendu à 1 200 exemplaires en grand format, selon Gfk. Un score déjà honorable pour une autrice vivante, certes reconnue pour la qualité de son œuvre, mais inconnue du grand public. Avec le baccalauréat, Hélène Dorion va changer de dimension. Dès septembre 2022, Bruno Doucey a commandé le papier nécessaire pour anticiper la demande et s’est constitué le stock nécessaire pour de nouvelles impressions.
Le choix de publier Mes forêts dans la toute nouvelle collection de poche « Sacoche » n’est pas non plus anodin. Le recueil d’Hélène Dorion, qui sera proposé à 5,9 euros, doit servir de fer de lance à une nouvelle offre pensée pour « sortir de la logique habituelle de l’édition de poésie ». « La plupart des éditeurs tirent à 500 exemplaires un recueil de poésie et considèrent qu’il s’agit d’un succès s’ils en vendent 800. Avec Sacoche, nous aurons des tirages moyens de 3 à 5 000 exemplaires », annonce Bruno Doucey. Hélène Dorion sera en France pour accompagner le lancement de la collection. Aux côtés de Mes forêts, paraîtront également le 3 mars deux autres recueils chacun vendus 6,9 euros : Rimbaud vagabond et Éluard amoureux. En septembre, l'éditeur poursuivra avec Mon pays que voici du poète haïtien Anthony Phelps et L'exil n'a pas d'ombre de Jeanne Benameur.