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À Brive, une filière en alerte face à l’essor du marché du livre d’occasion

Foire du livre de Brive 2024 - Photo Léon Cattan

À Brive, une filière en alerte face à l’essor du marché du livre d’occasion

De nombreux acteurs du livre se sont réunis lors des 9e rencontres professionnelles de la Foire de Brive autour de la question du livre d’occasion, sa popularité croissante et ses conséquences.

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Par Léon Cattan
Créé le 10.11.2024 à 15h30

Après un panel 2023 consacré à l’intelligence artificielle, cap sur la seconde-main. Le temps d’une matinée, sept représentants du marché du livre sont intervenus au cours des 9e rencontres professionnelles de la Foire de Brive 2024 à propos du phénomène en plein développement du livre d’occasion : « La révolution de l’occasion : quels impacts pour la création et le marché du livre ? », tel était le thème du panel animé samedi 9 novembre par Fabrice Piault, ancien rédacteur en chef de Livres Hebdo, qui a donné la parole à Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre (CNL), Rachel Cordier, directrice de l’Agence culturelle de la Région Nouvelle-Aquitaine (ALCA), Renaud Lefebvre, directeur général du Syndicat national de l’édition (SNE), Geoffroy Pelletier, directeur de la Sofia, Nicolas Vielle, directeur d’exploitation du groupe Gibert et Séverine Weiss, co-présidente du Conseil permanent des écrivains (CPE).

Retour sur l’étude de la Sofia

« S’il ne fallait retenir qu’un seul chiffre, c’est celui-là, a ouvert Geoffroy Pelletier. Un livre acheté sur cinq est un livre d’occasion. » Pour lancer la discussion, le directeur de la Sofia a rappelé les résultats du rapport de la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (réalisé avec le concours du ministère de la Culture) entièrement dédié à cette thématique. Là où l’occasion comblait autrefois un vide dans le marché du neuf, notamment pour permettre aux acheteurs de se procurer des ouvrages en arrêt de commercialisation, il est désormais sur un pied d’égalité avec lui.

Voire, progresse davantage, à hauteur de 30 % depuis dix ans, dans pratiquement tous les secteurs éditoriaux et les catégories sociodémographiques. À la question lancée au public : « Combien d’entre vous ont déjà acheté un livre d’occasion ? » La moitier de la salle lève la main. En effet, toujours selon l’étude de la Sofia, un acheteur de livres sur quatre achète aussi de la seconde-main.

La littérature de genre est particulièrement concernée : un roman policier acheté sur deux est un livre d’occasion. Dans ce contexte, comment permettre aux auteurs et autrices de polar de se lancer sereinement ? s’interrogent les intervenants du débat.

L’occasion cannibalise-t-elle les auteurs ?

« Les écrivains, qui se trouvent dans une situation de grande précarité dans la plupart des cas, ne touchent pas un centime sur l’achat d’occasion, insiste Séverine Weiss. Mais la deuxième vie du livre n’est pas censée signifier la mort de l’auteur. » Une problématique évoquée dans une tribune signée Christophe Hardy, auteur et président de la Société des gens de lettres (SGDL) publiée dans Livres Hebdo il y a quelques semaines. « L’occasion cannibalise le livre et ceux qui le font exister » explique-t-il pointant du doigt la marge bénéficiaire réalisée par les plateformes de vente sur la facturation de prestations de services de livraison.

Les librairies régionales touchées

Même son de cloche à l’échelle régionale. « Dans nos librairies, la météo est plutôt très grise », juge Rachel Cordier, et ce, malgré la richesse de la Nouvelle-Aquitaine, qui compte plus de 200 maisons indépendantes sur son territoire.

Les libraires aussi sont fragilisés par la reconfiguration du modèle de vente. La directrice de l’Alca appuie ses dires d’une enquête sur questionnaire conduite par l’agence pour mesurer l’impact du marché de l’occasion sur la librairie. Plus de 65 % des répondants ont relaté un décrochage de leur trésorerie de plus de 8 % en moyenne entre mars et avril 2024. Pour Rachel Cordier, « ces chiffres traduisent également une baisse du panier moyen, marqué à l’échelle régionale car le pouvoir d’achat diminue » et ce, même si le profil des acheteurs s’est élargi sur le plan national.

Pour autant, comme le rappellent les membres du panel, il n’est pas question de dresser un portrait à charge, ou de déclarer la guerre aux revendeurs. « Nous demandons à ce que la question soit mise à l’ordre du jour, affirme Geoffrey Pelletier, et que les pouvoirs publics s’en emparent avec attention. Mais nous devons le faire tous ensemble, neuf et d’occasion, main dans la main. »

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