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Auteurs et éditeurs assignent Meta pour défendre le droit d’auteur face aux IA génératives

Les syndicats d'éditeurs et d'auteurs accusent Meta d’avoir utilisé des centaines de textes pour entraîner son modèle d’intelligence artificielle générative - Photo Joan Cros NurPhoto AFP

Auteurs et éditeurs assignent Meta pour défendre le droit d’auteur face aux IA génératives

Lors d’un point presse organisé mercredi 12 mars, le Syndicat national de l’édition, la Société des gens de lettres et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs ont annoncé avoir assigné le groupe de Mark Zuckerberg devant le tribunal judiciaire de Paris. Ils l’accusent d’avoir utilisé des centaines de textes français pour entraîner son modèle d’intelligence artificielle générative.

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Par Élodie Carreira
Créé le 12.03.2025 à 12h04

C’est une première en France. Lors d’un point de presse qui s’est tenu mercredi 12 mars, le Syndicat national de l’édition (SNE), la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) ont conjointement annoncé assigner Meta devant la troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris. Les professionnels de la filière poursuivent le géant technologique pour « contrefaçon » et « parasitisme économique » des œuvres protégées, l’accusant d’avoir exploité un important corpus d’œuvres soumises aux droits de propriété intellectuelle, sans autorisation de leurs auteurs, afin d'alimenter ses modèles d’intelligence artificielle générative.

Des œuvres protégées victimes de l’IA

« Nous avons fait le constat que de nombreuses œuvres sous droit ont été exploitées sans l’autorisation des ayants droit et de ceux qui ont la responsabilité de mettre en valeur la création éditoriale », a déclaré Vincent Montagne, président du SNE et de Média-Participations. « Nous demandons à Meta et à tous les créateurs de modèles liés à l’IA de respecter les règles qui ont été instaurées par la Commission européenne », a-t-il poursuivi.

D’après les différents syndicats, cette action fait suite à « des échanges avec Meta, qui ont vite tourné court », a complété Renaud Lefebvre, directeur général du SNE. En réponse à cette vaine tentative de dialogue, les syndicats de l’édition et du livre ont donc décidé d’aller sur le terrain judiciaire, dotés d’un vaste corpus de preuves permettant d’étayer les accusations formulées. « En 2006, alors que Google souhaitait numériser sans droits les livres sous droits, ce dernier a été condamné », a rappelé Vincent Montagne, invoquant l’action collective menée, là aussi, par les éditeurs et les ayants droit, avec le soutien des pouvoirs publics.

« Nous avons choisi un Goliath »

Mais dans ce cas, pourquoi ne pas assigner en justice l’ensemble des Gafam, tous soupçonnés de se servir illégalement dans des bases de données protégées par le droit d’auteur ? « Nous ne doutons pas que ces pratiques-là soient aussi le fait d’autres acteurs, mais ce type d’actions exige des investissements importants. Nous avons donc choisi un Goliath, une procédure à valeur d’exemple », a expliqué Renaud Lefebvre, soulignant le caractère « sans précédent » de l’action intentée.

D’une même voix, les syndicats ont néanmoins rappelé que leurs positions ne s’opposent pas au développement de l’innovation et de la technologie. « Nous demandons simplement le respect du droit, condition nécessaire et indispensable pour qu’il y ait un développement juste et responsable des outils de l’IA », a rappelé Renaud Lefebvre. Reprenant la ligne de conduite qui fut la sienne lors du Sommet pour l’action sur l’IA à Paris, événement durant lequel plus de 34 000 artistes alertaient déjà sur les dangers de l’IA dans le secteur culturel, le directeur général du SNE a également invoqué les nouvelles modalités de l’IA Act, relatives à l’obligation de transparence des opérateurs d’intelligence artificielle.

Faire appliquer la réglementation en vigueur

« Nous sommes en 2025 et nous nous retrouvons de nouveau à devoir expliquer ce qu’est la propriété intellectuelle, pourquoi elle existe et ce qu’elle protège », a pour sa part déploré Maïa Bensimon, directrice juridique de la SGDL. Pour la spécialiste de la propriété intellectuelle, qui a repris les termes de « pillage » et de « moisson des données » utilisés par Christophe Hardy, président de la SGDL, il est désormais « urgent d’agir ».

Interrogés sur la quantité d’ouvrages exploités, les syndicats n’ont pas souhaité s’exprimer, invoquant des « éléments reversés dans la procédure ». Quant à l’éventuelle perception de dommages et intérêts, l’ensemble des acteurs impliqués, a fait valoir, via Vincent Montagne, l’obtention « avant tout » d’une reconnaissance et d’une application de la législation en vigueur. Bien qu’ils n’excluent pas, sur le long terme, de réfléchir à des « solutions de rémunération » des acteurs de la création.

S’il s’agit là d’une première française, Meta a néanmoins déjà essuyé quelques déboires judiciaires outre-Atlantique. Début janvier 2025, trois auteurs américains avaient porté plainte contre le groupe de Mark Zuckerberg, l’accusant d’avoir donné son feu vert pour l’entraînement de ses modèles Llama sur des œuvres protégées par copyright.

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