Revoilà Vince. Vincente dit Vince, garçon sensible, insolent, frondeur, éternel amoureux qui vient de se promettre de renoncer à l'amour. C'est l'hiver 2020, celui du deuxième confinement, des cours de lettres modernes en distanciel, d'une cohabitation houleuse avec sa mère libraire, des premiers rendez-vous chez le psy, de l'indécision mélangée du monde, du réel, des sentiments. Vince flirte (et plus si affinités) avec son prof, découvre Guibert et son Fou de Vincent, lit et relit sans cesse Barthes et ses Fragments d'un discours amoureux, devenus pour lui un feel good book depuis que son histoire avec Micha a cessé et surtout depuis que le garçon qu'il aime, Octave, est parti loin de lui et de leurs promesses. Seulement voilà, la vie est mal faite et ne laisse pas toujours sa place à l'oubli ni ne permet d'accomplir vraiment les bonnes résolutions. Bref, comme la Mathilde de Brel, Octave est revenu. Que cherche-t-il ? Où va-t-il ? Comme son amie Marilyn, qui elle aussi a vécu l'amour et subi le départ d'Octave, Vince voudrait éperdument le savoir lui qui, tout lecteur qu'il soit, ne parvient pas à tourner la page. Et lui qui n'en a que pour les désordres voudrait peut-être en fait que sa vie reprenne sens, se rapprocher par exemple de son père biologique qu'il connaît à peine, laisser derrière lui les désarrois, les confinements, les absences, rentrer dans l'éternité heureuse et nerveuse de l'amour.

Ce Vince jour après jour, perdu dans Paris et ses contradictions, est le beau héros d'Octave (qui, lui, en est la ligne de fuite et d'horizon), l'ultime volet de la trilogie d'Arnaud Cathrine, Romance, commencée par un volume éponyme et poursuivi par Les nouvelles vagues (Robert Laffont, 2020 et 2021). L'auteur y déploie une virtuosité romanesque et un savoir-faire narratif sans pareils et d'autant plus remarquables que le parti pris de choisir comme narrateur son jeune héros, d'en adopter les tics de langage et de comportements, n'est pas sans risques d'un point de vue littéraire. Il est vrai qu'avec le succès de sa trilogie précédente, À la place du cœur, Cathrine a déjà fait la preuve de sa maîtrise des difficultés, des pièges, de ce genre en soi qu'est la littérature young adult. Peut-être le secret pour un écrivain tel que lui est-il de ne pas hésiter à y être pleinement soi, à exporter dans ses romans les grandes lignes de tension qui sont celles de toute l'œuvre. Ainsi que son humanité assez Nouvelle Vague, sa capacité de dessiner les contours psychologiques de ses personnages d'un trait à la fois léger et précis, d'y faire entrer le bruit du monde comme un moteur de l'action romanesque. Vince, Octave, Marilyn et les autres, c'est lui bien sûr ; lui ou plus exactement le portrait de l'artiste en jeune homme.