« La Réunion, c'est chez moi. » Né en Tunisie, Appollo, de son vrai nom Olivier Appollodorus, est arrivé à 9 ans dans cette île qui lui a aussitôt paru familière. S'il a depuis beaucoup voyagé, il y est toujours revenu. Happé dès l'enfance par la bande dessinée, avide lecteur du Journal de Spirou puis de Métal Hurlant, Appollo envisage au lycée la possibilité de devenir auteur, poussé dans cette voie par son meilleur copain, Mad. Celui-ci dessine déjà « hyper bien » et lui demande de lui écrire des histoires. « C'était un peu comme jouer aux Playmobil avec un ami. Faire des BD à deux, c'était une espèce d'échange très familier, presque intime. » Appollo publiera d'ailleurs ses premiers albums avec lui, avant son décès en 1993.
Après des études à la Sorbonne, Appollo devient prof de littérature. En parallèle, il écrit des scénarios, mis en images par des dessinateurs aussi variés que Lewis Trondheim, Brüno, Serge Huo-Chao-Si ou encore Téhem. Avec ces deux derniers, il participe à la revue Le Cri du Margouillat, épicentre d'une vivante scène BD réunionnaise. Source constante d'inspiration pour le scénariste, l'île est présente dans plusieurs de ses albums parmi lesquels La grippe coloniale et Vingt décembre. « C'est une île déserte où des gens arrivent du monde entier. Quelles que soient les conditions de leur venue - esclaves, travailleurs engagés, petits colons… -, ils ont forcément des itinéraires très romanesques. Complètement déracinés, ils reconstituent une nouvelle société, certes marquée par la brutalité, la violence, mais une société qui marche, où les gens se mélangent, échangent, constituent une culture. Même quand mes histoires se passent en dehors de La Réunion, on y trouve toujours ce côté insulaire et un rapport à la créolité, c'est-à-dire à la diversité des gens qui se retrouvent dans un lieu clos. »
Même si Appollo aborde différents genres (récit historique, SF, guerre, aventure…), ses scénarios révèlent toujours ses préoccupations humanistes et une réflexion autour de la liberté, de la mémoire. Des thématiques qu'il a insufflées dans son nouvel album, dans lequel il reprend le personnage de Lucky Luke. « Il y a des échos évidents entre l'histoire de la conquête de l'Ouest et l'histoire coloniale de La Réunion. Dans les deux cas, ce sont des gens du monde entier qui aboutissent dans un territoire. » Dans sept histoires courtes, Appollo et Brüno (« un dessinateur au trait stylisé mais réaliste, suffisamment loin de Morris pour qu'on puisse revisiter Lucky Luke sans être dans le pastiche ou l'édifiant ») imaginent la vie du lonesome cowboy avant qu'il ne devienne le justicier que l'on connaît. Comme chez Goscinny, Luke croise des personnages réels - Calamity Jane ado, le chef de la résistance métisse canadienne Louis Riel… - ou imaginaires - le narrateur créole Baldwin Chenier… « Goscinny connaissait très bien l'histoire du western et intégrait des personnages historiques ou historico-légendaires. Ça correspond à l'idée que je me fais de mes récits. » Car Appollo, devenu au fil des albums l'un des tout meilleurs scénaristes français, reste fidèle à une fiction solidement documentée. « Je crois vraiment à la fiction. C'est un très bon moyen de parler du réel. Elle permet de raconter au plus près, de manière très fine, les relations humaines, le rapport que l'on peut avoir avec le monde, avec l'esprit du temps. »
Dakota 1880. Un hommage à Lucky Luke d’après Morris
Lucky comics
Tirage: 60 000 ex.
Prix: 16 € ; 64 p
ISBN: 9782884715072
