Un beau matin, Julie, 15 ans, se réveille fiévreuse, en poussant un long cri. Illico, autour d’elle, c’est le branle-bas de combat. Pour sa famille, ce cri ravive en effet de mauvais souvenirs. A l’âge de 3 ans, la jeune fille n’a-t-elle pas été victime d’une crise de convulsions, suite à une forte et subite poussée de température ? Seule à rester sereine, Julie n’a qu’une idée en tête, retourner dans le rêve dont elle vient de sortir, dans la peau d’un garçon de 7 ans perdu dans la forêt de Hokkaido, une île au nord du Japon, après avoir été abandonné par ses parents. Dès lors, chaque fois qu’elle sombre dans le sommeil, son monde bascule et elle redevient ce petit enfant errant, seul et terrifié dans la forêt menaçante. Dans un rêve banal, on ne sait pas que l’on rêve. Dans le sien, non seulement Julie a conscience qu’elle rêve, mais elle peut aussi agir. Si elle conseille au petit Japonais de ne pas boire l’eau d’un robinet, il obtempère. Au fur et à mesure que le récit avance sa double spirale, l’une dans la réalité douillette d’une famille française, l’autre dans le cauchemar sans eau ni nourriture de la forêt de Hokkaido, se tissent et s’éclaircissent les liens profonds et secrets qu’entretiennent l’enfant errant et son ange-gardienne à distance. Dans ce récit fantastique, Eric Pessan, lecteur de Stephen King, explore avec infiniment de subtilité le pouvoir de la télépathie. Son écriture limpide et poétique entremêle rêve et réalité, fondant sans cesse les sensations physiques du petit garçon perdu et celles de la jeune fille fiévreuse. Le lecteur se laisse prendre - ravir, devrait-on dire - dans ces entrelacs.
Fabienne Jacob