Juste avant que le coup d'envoi de l'édition célébrant les 10 ans du Festival America qui se déroule du 20 au 23 septembre à Vincennes, Livres Hebdo a organisé en partenariat avec la manifestation une demi-journée professionnelle sur le repérage et la réception critique des auteurs des Amériques, animé par Fabrice Piault, le rédacteur en chef adjoint de notre magazine. Trois heures de débats denses, auxquels ont assisté 280 personnes, dont 90 élèves de l'INFL.
La première table ronde a surtout tourné autour des agents, maillon supplémentaire de l'édition outre-Atlantique peu répandu en France.
Sarah Durand éditrice de Simon and Schuster (New York) confirme que « si le but de tout auteur est, comme en France, de trouver le bon éditeur, aux Etats-Unis, l'enjeu est d'abord de trouver le bon agent qui lui ouvrira les portes de la bonne maison. ».
Peter McGuigan, cofondateur de l'agence Foundry (New York) qui est lui-même agent donc a expliqué son travail : « Si vous avez déjà regardé la série Entourage, c'est assez proche ! On se réveille au milieu de la nuit avec une idée de livre, on s'enflamme à la lecture d'un magazine... »
L'étape suivante qui est la vente des droits d'un ouvrage à l'étranger a été celle qui a le plus animé le débat. « Nous gardons les droits étrangers. C'est une lutte de plus en plus dur face aux éditeurs mais c'est le coeur de notre métier », a affirmé Laura Bonner, chargée de droits étrangers dans la puissante agence William Morris Entertainment.
« Autant je loue le travail de l'agent qui outre la gestion des contrats assure un accompagnement émotionnel précieux auprès de son auteur, autant parfois il y a, sous l'effet de leur intervention, une mécanique certes très professionnelle et efficace, mais qui accélère artificiellement les échanges »? a assuré Patrice Hoffmann directeur éditorial chez Flammarion précisant que cette mécanique ne s'applique qu'à quelques livres d'auteurs « très vendeurs », 10% des romans à peine. En effet, les échanges commencent aujourd'hui alors que le texte n'est qu'au stade de manuscrit.
Une accélération liée aussi à l'intervention des scouts, qui sont les têtes chercheuses des éditeurs français par exemple aux Etats Unis et qui chaque semaine filtrent les informations qui passent, repèrent les livres qui vont faire du bruit. Corinne Marotte, fondatrice de L'autre agence (Paris), est co-agente et représente des agents ou des éditeurs étrangers auprès des éditeurs français : « Nous qui sommes comme des correspondants locaux des maisons d'édition étrangères, nous sommes parfois contactés par des éditeurs français avant même d'avoir entendu parler d'un écrivain. Les scouts sont excellents !... »
La deuxième table ronde a mis en avant la puissance montante de la presse en ligne et des commentaires sur les sites marchands sans enterrer pour autant la critique littéraire papier.
Pour Louise Erdrich, romancière mais aussi propriétaire de la librairie Birchbark Books (Minneapolis), « le rôle de la critique littéraire dans la presse écrite, même si elle connaît aujourd'hui de grosse difficulté financière, est très important. Nous devons avoir dans notre petite librairie les meilleures livres, ceux que les lecteurs veulent car nous ne pouvons pas, comme Amazon, avoir toutes les références. Nous dépendons dans nos choix des critiques. »
Si Vendela Vida, romancière et rédactrice en chef du magazine The Believer (San Francisco), a affirmé que malgré les difficultés que connaît la critique littéraire papier aux Etats Unis elle est « plus ouverte sur l'étranger, de plus en plus consciente de ce qui se passe dans le monde ».
Alan Pauls, romancier, traducteur et critique argentin était bien moins enthousiaste sur l'évolution de la critique. « Les critiques ne lisent plus les livres, ils insèrent le livre dans un phénomène ou une tendance qui est toujours culturel, qui aura plus de résonnance. Il s'est produit un déplacement de la critique littéraire à la critique culturel, du texte et du livre à la figure de l'auteur et sa biographie, de la proposition littéraire à l'événement ou la polémique. »
Louis Hamelin, critique au Devoir (Montréal), a insisté sur le fait que son « travail est aussi alors qu'il y a de plus en plus de publi-promotions pour les auteurs dans les journaux de faire un travail de contre-publicitaire du livre et de dire au lecteur : attention cette chose ne vaut pas trente euros. »
Car la question de la critique négative a été largement débattue. « Nous avons peu de place dans nos pages et préférons porter les textes qui nous ont plus, laisser de la place à notre enthousiasme a précisé Raphaëlle Leyris, critique littéraire au quotidien Le Monde (Paris). Les rares sujets auxquels nous consacrons des critiques négatives sont ceux qui ont un enjeu économique comme un Christine Angot ou Olivier Adam ».