La gloire de son père. Née en 1957 à Neuilly, Alix de Saint- André s'est fait connaître comme journaliste à Canal+, puis grand reporter au Figaro Magazine et à Elle. Son père, grand cavalier, lui avait dit : « Contrairement à moi, je ne veux pas que tu gagnes ta vie avec tes fesses ! » Humour de militaire... Elle est entrée en littérature un peu par effraction, avec un polar complètement loufoque, L'ange et le réservoir de liquide à freins (Gallimard, 1994), avant de passer, comme d'autres (Daniel Pennac, par exemple), de la « Série noire » à la « Blanche », avec Papa est au Panthéon, paru en 2001, le premier livre où elle déclarait, avec beaucoup d'humour et d'incarnation, sa passion pour André Malraux. Toujours fan, elle reprit le même thème en 2007 dans Il n'y a pas de grandes personnes. Alternant romans et autofictions, c'est une voix singulière, qui n'hésite pas à assumer une éducation et des valeurs traditionnelles, où l'armée, la cavalerie, occupe une place de choix. La foi également. Le sabre et le goupillon, si l'on veut.
Cette fois, elle consacre un livre à son père, le colonel Jean de Saint-André (1912-1996), qui fut écuyer en chef du Cadre noir de Saumur, une institution d'élite, un peu hors du temps (quoique bien actualisée depuis quelques décennies), à laquelle il a voué sa vie. Au-delà des souvenirs et de la reconstitution d'un parcours d'exception, grâce à des documents, photos, articles, lettres soigneusement conservés et exploités, Alix de Saint-André raconte en détail et essaie de reconstituer pourquoi, le 18 novembre 1972, sous Pompidou, alors qu'on venait de lui remettre la Légion d'honneur, le colonel fut démis de ses fonctions, viré par le ministre de la Défense nationale Michel Debré et le secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports Joseph Comiti. Deux gaullistes, comme lui et toute sa famille. Ça fait désordre. Il ne l'a d'ailleurs pas digéré et s'en est ouvert dans la presse de l'époque.
Mais Alix de Saint-André ne se contente pas d'un récit linéaire, elle aime à mêler les intrigues. Ainsi, la mort le 8 septembre 2022 d'Élisabeth II - une passionnée d'équitation, cavalière émérite et fan absolue du Cadre noir qu'elle avait vu évoluer plusieurs fois devant elle - et le processus de ses obsèques sont contés et suivis pas à pas. La Reine connaissait et appréciait le colonel, elle le lui a écrit, et l'a décoré de l'ordre du British Empire.
Alix de Saint-André reconstitue le parcours paternel, dont sa disgrâce, avec minutie, nostalgie, émotion, et sur son ton habituel, direct, empreint d'humour. De Jean, elle a reçu son éducation, ses valeurs (« En avant, calme et droit »), son goût pour l'équitation, l'escrime et pour le fumer de pipe ! À la fin, elle raconte aussi que son père, qui avait conservé sa forme et son énergie en dépit de l'âge, avait exaucé sur le tard un de ses rêves depuis tout gosse : piloter un avion. Il a obtenu son brevet à 76 ans, pas mal volé et avec bonheur, refusant obstinément de s'orienter autrement qu'avec une bonne vieille carte Michelin ! Un héros comme on n'en fait plus.
Cadre noir
Gallimard
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 22 € ; 336 p.
ISBN: 9782073009470
