Fluide Glacial célèbre ses 50 ans de rire cette année. Le magazine humoristique fondé par Gotlib est devenu depuis une maison d’édition, toujours centrée sur l’humour. Le ton entend rester authentique tout en s’adaptant à de nouveaux lectorats. Un dilemme difficile à résoudre. « On essaye de retrouver le lecteur qui est revenu, tout en essayant de nous moderniser. On veut toutefois garder cette même liberté de ton et rester nous-mêmes. Il y a cette volonté de ne pas être à la mode et pourtant, de toujours rigoler quand on lit un ancien Fluide », ambitionne Clément Argouarc’h, rédacteur en chef du journal.

Un magazine toujours aimé

Une campagne de crowdfunding a été lancée en 2020 après la faillite de la messagerie de presse Presstalis. L'opération a permis de recueillir une vague de soutien inattendue et « des messages d’amour complètement dingues », symbole de l’attachement des lecteurs au magazine. Il a alors fallu trouver comment plaire à ces anciens lecteurs tout en embrassant à nouveau l’esprit Gotlib qui a vécu son âge d’or dans les années 1980 et 1990.

Un style « grossier mais jamais vulgaire, assure le rédacteur en chef. Nous rions avec les gens, mais pas d’eux. Nous passons volontairement sous les lignes de tensions car il n’y a pas la volonté de chercher la polémique, nous proposons un moment de détente dans un climat compliqué. » Fluide Glacial se moque volontiers de lui-même également.

La maison a alterné à ses débuts entre légèreté et critique sociétale notamment via les Bidochon et Franquin. Aujourd’hui la même formule lui permet de « grossir les ficelles de la société » via la série Faut pas prendre les cons pour des gens, d’Emmanuel Reuzé, qui enregistre plus d’un million d’exemplaires vendus.

Plusieurs auteurs sont aussi revenus comme Jean Seulé, Edika, ou L’abbé. Ils dessinent pour plusieurs maisons en même temps et le magazine permet de revenir à un exercice plus léger et court pour un résultat rapide et sans overdose de travail.

C’est aussi le cas de Boucq, qui signe Le petit pape Pie 3,14 pour Fluide Glacial, mais également d’autres œuvres pour Le Lombard, Glénat, et Les Humanoïdes Associés. « Je n’ai pas l’impression que l’humour ait changé. Il est de nouveau très enthousiasmant depuis quelques années grâce à l’exigence. Le trait doit lui-même contenir de l’humour, et cette exigence dans le dessin et dans l’humour représente l’esprit Fluide Glacial voulu par Gotlib. »

Depuis 2020, les comptes vont mieux : le magazine et la BD sont bénéficiaires chaque année à hauteur respective de 100 000 et 450 000 euros. Les ventes en kiosque représentant 13 000 à 15 000 unités, avec environ 3 500 exemplaires supplémentaires grâce aux abonnements. Le lectorat se compose à 70 % d’hommes de plus de 45 ans.

À la poursuite des trentenaires

Après la reconquête de l’ancien lectorat avec son ton signature, Clément Argouac’h veut attirer un nouveau public. Mais les kiosques sont aujourd'hui désertés des jeunes de 18-25 ans. « Nous ne sommes pas un magazine de 50 ans qui vieillit, on s’intéresse à l’humour actuel grâce à une nouvelle vague d’auteurs lucides sur la société d’aujourd’hui. »

Fluide Glacial tend vers le transgénérationnel en allant chercher les trentenaires biberonnés aux Nuls. « Gotlib est une grande inspiration pour Alain Chabat. Il l’a d’ailleurs invité plusieurs fois dans Burger Quizz, assure le rédacteur en chef. Nous sommes toujours dans l’ambiance Astérix et Obélix mission Cléopâtre. Ça fait toujours rire aujourd’hui. » Une rubrique Strip & Strapontin a été rajoutée mettant en page des humoristes du moment, pour s’accorder avec la popularité actuelle du stand-up.

Fluide Glacial doit aussi rappeler qu’il existe encore, pas une évidence pour tout le monde. Pour continuer de se faire connaître, le magazine a lancé une newsletter pour donner des nouvelles entre les parutions.

Fluide Glacial n’a jamais cessé en 50 ans, et sans publicité. Il tente maintenant de jeter des ponts entre l’esprit Gotlib et la société actuelle avec de nouveaux auteurs et de nouveaux personnages auxquels les lecteurs pourront aussi s’attacher.