Le monde de Barnett. C'est un lieu sans charme, sans grâce, sans prestige, sans rien. Habité par des gens qui ne sont pas nécessairement plus remarquables. Un bled, périurbain ou quelque chose comme ça. Des entrepôts, des maisons, parfois des piscines. « Les machines agricoles, les moissonneuses-batteuses John Deere, les engins de chantier découpaient dans le lointain brumeux, côté est, leurs couleurs métallisées. Ensuite, à l'opposé de ma maison, au sud, on apercevait les nouvelles zones pavillonnaires encore en construction. » Des couples, séparés ou qui ne vont pas tarder à l'être, qui s'observent à la dérobée. Revue de détail des affreux. D'abord lui, le narrateur du livre, Barnett Trapp, expert en affaires qui échouent. Sa femme, Josefa, l'a quitté pour un collègue de travail, Spencer, professeur d'histoire. Elle demande le divorce et menace de le priver des quelques biens qui lui restent. Pour combattre la morosité dont il sent qu'elle ne tardera pas à l'engluer, notre héros malgré lui se rapproche de ses voisins. D'abord, Samantha et Steve, dont le mérite est de paraître glander encore plus que lui et surtout, Miko et Sally. Avec Miko, l'amitié, ou au moins le compagnonnage, se construit lors de grandes parties de pêche. Avec Sally, c'est autre chose. Peut-être du désir... Au moins jusqu'au jour où celle-ci propose à Barnett un coup fumant : dévaliser sans risque son propre mari, le délester de toute sa fortune et l'affaire faite, couler des jours heureux, loin, au Mexique. Malgré ses doutes, troublé, Barnett accepte. Cela ne s'avérera pas aussi simple que prévu...
Il ne se passe pas grand-chose au fond dans ce Mélodie en sous-sol revu façon redneck. Mais de ce peu, comme Echenoz, comme Oster, Yves Ravey fait son affaire. Comme à son habitude, il observe le réel, ou ce qui en tient lieu chez ses personnages, avec une méfiance tout ironique. Et cette méfiance va jusqu'à contaminer le lecteur qui aime bien l'idée « qu'on ne la lui fasse pas »... Il y a tout de même chez Ravey une vraie tendresse pour ces mal partis, jamais arrivés et un amour superbe de la langue, de la composition musicale de son récit. Sale histoire, grand art.
Que du vent
Minuit
Tirage: NC
Prix: 17 € ; 128 p.
ISBN: 9782707355171