Existe-t-il des républiques sans démocratie ? La question est surprenante. La réponse ne l’est pas moins. Elle ouvre la vaste enquête historique menée par Olivier Christin pour remettre un peu d’ordre dans l’anachronisme ambiant et l’ethnocentrisme rassurant. Car oui, il existe des républiques sans démocratie ! Et le vote n’implique pas une participation générale des citoyens dans des décisions.
Professeur d’histoire moderne à l’université de Neuchâtel et directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études à Paris, cet universitaire de haut vol s’est distingué par des ouvrages transdisciplinaires, au carrefour de l’art, de la religion et de la politique.
Ce travail pointu explore une période qui s’étend du XIIe au XVIIIe siècle, avant que n’apparaisse le suffrage universel. Les décisions collectives se prenaient dans les confréries religieuses, la magistrature, les académies ou les universités selon des méthodes différentes : bulletins, billets, tirages au sort, mains levées, acclamations, prises de parole ou mots chuchotés à l’oreille des scrutateurs.
Olivier Christin souligne l’importance de l’Eglise médiévale dans ce mode de décision, le verbe eligere, dont est tiré le mot élection, signifiant à la fois désigner, choisir, trier et arracher, autant d’actions qui résument encore aujourd’hui le mode de désignation d’un pape.
Chemin faisant, au travers de nombreux exemples puisés dans des univers très différents à des époques diverses, Olivier Christin nous invite à réfléchir sur ces assemblées qui ordonnent les mondes politiques, sociaux, culturels et religieux. On s’aperçoit alors que la règle majoritaire qui constitue la forme spécifique de décision dans les sociétés modernes ne fut pas toujours celle adoptée par l’Ancien Régime. De même, on peut légitimement s’interroger sur la manière dont les femmes, les jeunes, les personnes issues de l’immigration sont représentés dans nos assemblées actuelles. A la veille de deux rendez-vous électoraux, voici un livre qui élargit la réflexion sur des enjeux très contemporains. L. L.
