Après un succès aussi fulgurant que celui de La chaleur (Flammarion, 2019), son premier roman récompensé par plusieurs prix littéraires (dont le Femina des lycéens), traduit dans plusieurs pays et en cours d'adaptation au cinéma, on attendait impatiemment la suite. Ce fameux deuxième roman pour lequel la critique se montre en général moins indulgente que pour le précédent − ce qui angoisse les écrivains en devenir. Faut-il continuer dans la même veine, au risque de se répéter, de lasser ? Ou bien changer radicalement, au risque de décevoir, de perdre son lectorat naissant ? Peut-être, au fond, faut-il seulement écrire ce dont on a envie, et, surtout, prendre son temps. C'est ce qu'a fait Victor Jestin, à la faveur de la pandémie, retenant son texte jusqu'à ce qu'il en soit satisfait. Ce qui est une preuve de maturité littéraire chez un jeune écrivain de 27 ans.
La Plage, donc, ce n'est pas celle de La chaleur. C'est une boîte de nuit d'une ville jamais nommée sur les bords de la Loire, qui pourrait bien être la Nantes où Victor Jestin a grandi mais peu importe. Une ville de province où tout le monde se connaît plus ou moins et où les distractions pour les jeunes sont rares. Il y a juste la boîte, the place to be, celle où le héros et narrateur, Arthur, va passer sa vie, la brûler, la perdre.
À l'origine, en 1990, à 10 ans, lorsqu'il y est invité au goûter d'anniversaire de son copain Anthony, il déteste ça. Bloqué, incapable de danser, paniqué. Huit ans après, pourtant, sous l'influence de son copain Vincent, macho, frimeur, obnubilé par l'idée de « choper » des filles, il y retourne. Un fiasco. « J'étais moyen », dit-il. Alors, grâce à un autre gars, Dylan, coach sportif chez Bodymax, un type vulgaire obsédé par les fesses des filles, Arthur, 21 ans, 55 kg et toujours puceau, va se métamorphoser. Afin d'oser danser, séduire et trouver enfin l'âme sœur, il se met au sport, à la musculation, développant une véritable addiction, qu'on nomme bigorexie. Il se fait embaucher comme réceptionniste chez Bodymax, prend des cours de danse, et, enfin, se lâche. Et c'est à La Plage, bien sûr, qu'il trouve son premier flirt, Laura, laquelle accepte de le suivre chez lui : un désastre ! Il ne sait même pas embrasser. Toute sa vie, désormais, se passera la nuit, à La Plage. C'est là qu'il rencontrera les gens qui marquent les étapes chronologiques du récit : le gentil Wassim, Parisien gay venu pour voir David Guetta (un baiser et puis s'en va), son frère cadet Sylvain, déjà marié et père de famille (la boîte n'est vraiment pas son truc), ou encore Isabelle, une femme de tête, brillante, qui pourrait être la bonne. Ils font l'amour, se revoient, vivent plus ou moins ensemble. Mais quand elle commence à imaginer des projets communs, Arthur se défile : il ne s'intéresse strictement à rien d'autre qu'à son existence nocturne, où il devient un autre, se libère. Mais, à 40 ans, son corps commence à montrer des signes de fatigue, et la jeunesse le fuit.
L'homme qui danse est un texte énigmatique, sur un être qui a du mal avec le monde et les autres, comme le jeune héros de La chaleur. Quelqu'un qui se cherche, ne sait vraiment pas quoi faire de sa vie. Et le corps, ici encore, occupe la première place. L'écriture est aussi un acte physique.
L'homme qui danse
Flammarion
Tirage: 11 000 ex.
Prix: 19 € ; 202 p.
ISBN: 9782080239204