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Vente d’Editis : comment va s'organiser la « distribution-cotation »

Vivendi va céder sa filiale Editis en distribution-cotation - Photo Vivendi

Vente d’Editis : comment va s'organiser la « distribution-cotation »

Vivendi, qui souhaite prendre le contrôle d’Hachette, a annoncé fin juillet sa volonté de se séparer de sa filiale Editis au moyen d’une « distribution-cotation ». Ce procédé classique, déjà appliqué par le groupe de médias de Vincent Bolloré l’an dernier pour céder sa filiale Universal Music Group, permet au dirigeant breton de peser sur la configuration de l’édition française sans subir les foudres des autorités de la concurrence.

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Par Eric Dupuy,
Créé le 09.08.2022 à 18h42

La démarche est claire. Dans une conférence téléphonique, après l’annonce, le 28 juillet, d'une prochaine cession d’Editis, le président du directoire de Vivendi a déclaré exclure « les acteurs de l’édition en France et les fonds d’investissements » pour le rachat de sa filiale d'édition, précise-t-on à la direction du groupe. S'il n'y aura pas de fusion Hachette-Editis en raison des risques de veto de la Commission Européenne, la cession ne se fera pas au profit d’un concurrent français. Surprenant l’ensemble des acteurs du secteur, spectateurs anxieux de ces fiançailles annoncées depuis l’été 2021, Vivendi a donc présenté son projet de cession de sa filiale Editis à 100%, sous la forme d'une « distribution-cotation ».

Une bonne opération financière pour Vivendi

De quoi s'agit-il ? Ce mécanisme de ventes par actions à ses actionnaires (dividendes en nature) est régulièrement utilisé par les grandes industries, tout secteur confondu. Cette dernière décennie, c’est ainsi que le groupe automobile Fiat-Chrysler s’est séparé de Ferrari en 2016. En France, en 2013, le groupe français Kering de François Pinault a procédé à cette technique avec sa filiale Fnac. Plus récemment, c’est… Vivendi, déjà, qui a distribué et coté 60% d’Universal Music Groupe en septembre 2021.  

Cette technique « résout le problème de concurrence pointée par la Commission Européenne concernant l’OPA de Vivendi sur Lagardère », analyse Jean-Clément Texier. Cet ancien directeur associé de BNP-Paribas, spécialiste des fusions acquisitions dans le secteur de l’édition estime que cette formule promet une très bonne opération financière pour Vivendi. « Editis est très rentable, dans un contexte de valeurs boursières de l’édition très bien valorisées, avec un cash-flow récurrent lié au secteur scolaire », observe-t-il. A l’entendre, on est loin d’un risque de flop boursier comme celui qu’a connu Flammarion à la fin des années 1990. « Les maisons d’éditions du groupe sont en ordre de marche grâce à l’action de Michèle Benbunan, poursuit-il, avec une situation bien différente qu’à l’époque de la vente par Hachette en 2004 ». La directrice générale d’Editis depuis 2019 a déjà fait savoir qu’elle souhaitait poursuivre sa mission à la tête du groupe après la cession.

Chez Vivendi, on ne se risque pas encore à donner des chiffres, mais la valorisation d’Editis pourrait bien dépasser le milliard d’euros, trois ans après l’avoir acquis pour 900 millions. « Des banques seront mandatées pour piloter la valorisation et trouver un actionnaire de référence », précise-t-on au siège du groupe.

Un projet finalisé fin 2022 ou début 2023

Fin juillet, lors de la publication des résultats de Vivendi, la direction a donc établi le principe général de cession, qui sera présenté à la Commission Européenne en septembre. « Ce projet a le mérite de clarifier la situation en rassurant les équipes d’Editis sur leur avenir commun tout en promettant à celles d’Hachette d’avoir un repreneur solide », se réjouit-on avenue de Friedland. Le tout de manière flexible et rapide, puisque la distribution des dividendes en nature, qui n’a pas besoin d’être votée en assemblée générale, est attendue « pour la fin de l’année ou le début d’année prochaine ». Quant à la cotation, elle sera effective quelques jours plus tard sur le marché Euronext de la Bourse de Paris.

« On évite une longue série de cessions par lots d’éditeurs, qui ne bénéficierait à personne », ajoute-t-on à la direction de Vivendi. L’actionnaire de référence de Vivendi, le groupe Bolloré, s’est engagé à céder toutes ses parts (autour de 29,5%) à « un seul acquéreur ». Une manière pour son président Vincent Bolloré de garder la main sur la configuration de l’édition française au moins dans un premier temps. « Il reste maitre des horloges en choisissant le repreneur de référence, qui pourra faire une OPA plus tard sur Editis, créant de fait une valeur additionnelle profitable aux actionnaires », résume Jean-Clément Texier. Après l’accord de la Commission Européenne sur le projet, c’est bien le nom du repreneur de référence qui va tenir en haleine l’ensemble du secteur, et les actionnaires de Vivendi.

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