Avant-Critique Essai

Valentine del Moral, "Chez Zola !" (Le mot et le reste) : La maison d'Émile

Valentine del Moral - Photo © Romuald de Richemont pour 18 éditions.

Valentine del Moral, "Chez Zola !" (Le mot et le reste) : La maison d'Émile

Valentine del Moral raconte Zola chez lui, à Médan, et c'est Émile qu'elle révèle.

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Par Laurent Lemire
Créé le 16.06.2022 à 11h00

Dès les premières pages, ça déménage chez Zola. Avant de se fixer à Médan, dans les boucles de la Seine, non loin de chez son ami Flaubert, l'écrivain enchaîne les domiciles parisiens, de gourbis en appartements bourgeois. Ses domiciles sont à l'aune de ses succès. Valentine del Moral montre cela avec beaucoup de vivacité dans cette reprise, remaniée, d'un ouvrage paru en 2015 chez Fallois. On y voit vivre et travailler Zola, jusqu'à cette année 1878 où il écrit à Flaubert : « J'ai acheté une maison, une cabane à lapins, entre Poissy et Triel, dans un trou charmant, au bord de la Seine. » Et l'auteure d'Et les Beatles montèrent au ciel (Le Mot et le reste, 2019) commente : « Tandis que Gustave gueule à Croisset, Émile copie l'antre du maître à Médan. » Il va en faire une sorte de demeure rêvée, avec son parc, son jardin et ses animaux. Il y accueille la petite bande naturaliste à laquelle s'agrègent Maupassant et Tourgueniev. Et puis il y a l'ami Cézanne, le fidèle parmi les fidèles. « Médan est certes le laboratoire littéraire d'un écrivain prolifique, mais c'est aussi une maison ouverte aux amis, aux journalistes, aux solliciteurs occasionnels. »

À travers Médan, on distingue aussi l'évolution d'une œuvre qui prend de l'ampleur. La petite maison s'agrandit comme la famille des Rougon-Macquart, sertie entre deux tours, l'une ronde, l'autre carrée, la tour Nana et la tour Germinal. Ces extensions rappellent que cette maison est le fruit des ventes des livres, acquise à la force du travail. Nulla dies sine linea (« pas un jour sans une ligne ») est la devise de Zola. Il écrit ses cinq feuillets chaque matin avec une régularité de métronome, chine chez les brocanteurs, commande des vitraux à l'image de ses personnages de roman et vit autant d'amour que d'amitié. Médan, c'est aussi le lieu de l'inspiration. De son bureau, il observe la voie ferrée. Ces longs trains tirés par des locomotives puissantes lui donneront l'idée de La bête humaine. Médan, c'est aussi le refuge durant l'affaire Dreyfus avant les onze mois d'exil en Angleterre. La maison caillassée par des antidreyfusards abrite désormais un musée dédié à cet événement.

Comme l'indique le document en couverture du livre, c'est à Médan que Zola découvre les joies de la bicyclette avec laquelle il rejoint sa maîtresse Jeanne Rozerot, à qui il a acheté une propriété à quelques kilomètres − sa femme Alexandrine lui refusant l'accès à sa maison. Il s'adonne aussi avec passion à la photographie.

Ce « temple dédiée à l'amitié » ne pouvait aboutir qu'à un livre, le recueil des Soirées de Médan (1880), six nouvelles signées Zola, Maupassant, Huysmans, Céard, Hennique et Alexis, qui traduisent finalement moins un mouvement littéraire qu'une camaraderie avec ses discussions sous l'allée des tilleuls ou dans la salle de billard. « Notre seul souci a été d'affirmer publiquement nos véritables amitiés et, en même temps, nos tendances littéraires », écrit Zola dans sa préface.C'est cette fraternité, cristallisée autour de cette demeure, qui est racontée à travers la maison d'Émile.

Valentine del Moral
Chez Zola !
Le Mot et le reste
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 20 € ; 218 p.
ISBN: 9782384310326

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