"Vivre est un dur métier", constate Olta. L’apprentissage se révèle long car il est ponctué de coups et de désillusions. Son enfance rime cependant avec insouciance. "Ma vie à cette époque était figée sur une toile d’éternité nommée Toujours." Or celle-ci se déchire le jour où son père disparaît. Dans l’Albanie des années 1970, c’est chose courante, mais pas rassurante. Pourquoi "le néant a englouti" Arshi Toptani? Est-il mort ou vif?
Ce doute insupportable ronge sa mère, Veronika. Une beauté incendiaire qui suscite d’atroces rumeurs, y compris celle d’avoir trahi son mari pour céder à un homme de pouvoir. "La Mère Parti" régit l’existence des citoyens via un idéalisme sournois. Comment retentit-il dans le quotidien de leurs foyers? "L’Etat, cette terrible machine, allongea de nouveau ses tentacules." Est-ce possible d’y échapper?
Pour Olta, l’absence du père chamboule tout. Elle se doit de porter sa mère qui se noie, mais l’atmosphère est pesante, déchirante. La fillette a subi la pression sociale. "On t’a préparé le terrain pour que tu réussisses dans la vie ! On s’est sacrifiés pour toi !" Olta n’est toutefois pas du genre à se laisser enfermer dans une cage. "J’avais un grand besoin de liberté."
Depuis ses débuts, Ornela Vorpsi (Vert venin, Actes Sud, 2007) met ce combat en avant en tissant un univers bien à elle. "Avoir dans la vie ce qu’on mérite relève du cadeau." Dans ce huis clos, on assiste au sursaut d’une héroïne qui pétille de vie. Le ton doux-amer, quasi enfantin, donne du relief au roman. Kerenn Elkaïm