"J’ai appris très tôt que la vie est soit tchekho-vienne, soit shakespearienne." Dans le cas de Vivian Gornick, celle-ci demeure indéfinissable car elle est unique. Cette journaliste littéraire incarne une référence de l’autre côté de l’Atlantique. Tant pour ses articles que pour sa voix qui résonne dans ses récits autobiographiques. Attachement féroce (Rivages, 2017) reste dans toutes les mémoires. Un texte puissant, sur les complications de la relation mère-fille. La figure maternelle s’est éteinte, mais elle l’étreint encore souvent dans les pages de ce livre-ci.
"Le sentiment d’abandon ne nous quitte jamais. Si je ne le transforme pas en une solitude productive, je resterai à jamais la fille de ma mère." Comment continuer à grandir, à plus de quatre-vingts printemps? Le chemin n’a pas toujours été évident, mais il l’a menée vers la littérature. Une matière qu’elle a enseignée et analysée, avant de s’aventurer sur le terrain de l’écriture. "Personne ne s’étonne davantage que moi de ce que je suis devenue." Vivian Gornick parvient à saisir l’essence d’une existence en quelques pages seulement. Son regard affiné, dépouillé et sombrement cocasse trouve souvent son reflet dans ses amitiés. L’amour, la sexualité ou la vieillesse sont abordés sans pudibonderie ni tricherie.
On assiste à l’éclosion d’une femme à tous les âges de sa vie. Une féministe fiévreuse "qualifiée de femme nouvelle, libre, libérée". L’écrivain britannique George Gissing "a trouvé le mot juste : nous sommes les femmes "à part"". Peu importe que Vivian Gornick fasse des choix "bizarres", elle continue à imposer sa liberté, quitte à déranger. "J’ai survécu à mes conflits, pas à mes fantasmes, tout comme New York. Nous sommes en phase." Son esprit s’avère indomptable, et elle soutient que "la seule chose qu’on doit à un être humain, c’est justement de l’honorer". K. E.