Le Président du Tribunal de grande instance de Paris vient de se pencher, dans une ordonnance de référé en date du 1er septembre 2016, sur la protection du titre de la revue Détective – qui fut il y a déjà bien longtemps éditée par Gallimard. L’affaire est éloquente et permet de résumer les différentes protections dont peut bénéficier un titre.
La société éditrice de cette célèbre publication avait assigné après avoir découvert deux périodiques litigieux, intitulés respectivement Expert Détective et Enquête Détective.
Le juge a, en premier lieu, souligné que la marque « Détective », enregistrée en 1989, était suffisamment distinctive au sens du de l’article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) et qu’il y avait bien identité des produits. Il précise que « même si « Détective » n’est pas le terme d’attaque, c’est le seul qui est distinctif, puisque le terme « enquête » est descriptif et « expert » un simple adjectif laudatif ». Il ajoute que « en outre, le terme « détective » apparaît avec des caractères nettement plus gros que les termes « enquête » et « expert ». »
Les magistrats souligne encore les points communs entre les « cartouches de couleur ». Il relève enfin pour interdire l’utilisation du terme « détective » la « similitude tant au niveau visuel qu’auditif et conceptuel entre le signes », tout comme la confusion qui est créée dans l’esprit du public.
Conditions et confusions
Selon le CPI, toute appellation peut valablement constituer une marque si plusieurs conditions de fond sont réunies. Le signe choisi doit notamment être disponible. L'article L. 711-4 du CPI précise désormais qu’une marque ne doit pas porter atteinte à des droits antérieurs tels, par exemple, qu'une « dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public », « aux droits d’auteur » ou encore « au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale ».
Cependant, aucune base de données n’est exhaustive et ne permet de recenser, sans coup férir, les multiples enseignes, titres de films ou de livres qui existent antérieurement au dépôt d'une marque et viendront troubler, voire annihiler, l'exploitation de celle-ci.
Non seulement les actions en justice peuvent viser les marques que les entreprises déposent, mais également être le fait de titulaires de marques antérieures.
Une recherche d'antériorité auprès de l'institut National de la Propriété Industrielle permet parfois d'éviter ce type de conflit, qui, même si l'issue en est heureuse, se révèle toujours une perte de temps, d'argent et d'énergie.
Signes distinctifs
Par ailleurs, rappelons que le dépôt peut porter sur nombre de signes distinctifs, un nom, un logo, un dessin, qui sont par ailleurs protégeables par le biais du droit d’auteur. Cette technique se révèle avantageuse dans les cas où le personnage risque de tomber dans le domaine public. Le droit des marques possède en effet l’immense intérêt d’assurer une protection éternelle, sans risque de domaine public, si les dépôts sont renouvelés en temps et en heure.
Enfin, rappelons qu’un titre est protégeable indépendamment de la protection de l’œuvre qu’il désigne. Le CPI consacre bel et bien son article L. 112-4 aux titres d'œuvres. Il dispose que « le titre d'une œuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'œuvre elle-même ».
Les titres peuvent donc bénéficier de la protection classique accordée par le droit d'auteur, sous réserve d'être originaux.
Et quand bien même un titre ne serait pas protégé par le droit d’auteur – que cette protection lui soit déniée pour manque d’originalité ou qu’il soit tombé dans le domaine public –, il ne reste pas sans défense. Il peut bénéficier des règles de la concurrence déloyale. L'article L. 112-4 du CPI, pris en son second alinéa, lui accorde expressément cette protection : « Nul ne peut, même si l'œuvre n'est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3 (c'est-à-dire si l'œuvre est tombée dans le domaine public), utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion ». Il s’agit là d’éviter les utilisations trompeuses de titres non protégés par le droit d’auteur.
En clair, l’éditeur qui n’aurait pas songé à déposer une marque pour protéger ses titre de livres et de revues peut toujours arguer du droit de la propriété littéraire et artistique comme de celui de la concurrence déloyale.