Disparu en septembre 2014, Jean-Jacques Pauvert semble bien parti pour connaître la postérité. Celui qui fut l’une des figures marquantes de l’édition française de la seconde moitié du XXe siècle est toujours régulièrement cité, avec Christian Bourgois et François Maspero, comme un modèle d’inspiration par nombre de jeunes libraires et éditeurs qui montent. Cette aura s’explique sans doute par le fait que Pauvert resta toute sa vie un homme parfaitement libre - de ses amitiés, comme de ses choix ou de ses engagements -, mais aussi par le combat intransigeant qu’il mena contre LA censure : non pas la censure de tel auteur ou de tel ouvrage, mais la censure en général. C’est sur cette liberté qu’insiste notre collaborateur Emmanuel Pierrat tout au long du portrait biographique qu’il dresse de son ancien client, puisqu’il fut l’avocat de Jean-Jacques Pauvert durant les vingt dernières années de sa carrière.
Des débuts, dans le garage de la maison de ses parents, à Sceaux, en banlieue parisienne, quand Jean-Jacques Pauvert publie, en 1945, son premier livre - un commentaire de Sartre sur L’étranger de Camus -, à la consécration, à partir des années 1970, Emmanuel Pierrat brosse le parcours de cet éditeur littéralement hors normes. Pauvert, explique-t-il, "aura contribué à faire exister près de 3 000 ouvrages". Dont le fameux Histoire d’O, bien sûr, son best-seller absolu (plus de 500 000 exemplaires vendus), sans oublier l’édition des Œuvres complètes du Marquis de Sade qui, grâce à Pauvert, furent publiées pour la première fois au grand jour et non plus sous le manteau - ce qui lui valut un procès retentissant, qu’il finit par gagner. Avant d’être unanimement encensé aujourd’hui, Pauvert fut souvent considéré comme un éditeur provocateur, sinon subversif, voire même comme un "pirate" - il est vrai que l’animal ne s’encombrait pas toujours de scrupules. "Mais un pirate d’un genre particulier, rappelle Pierrat, puisqu’il donnait - à lire - au lieu de prendre."
Daniel Garcia