On a encore en mémoire le précédent livre de Daniel Arsand, Uncertain mois d'avril à Adana (Flammarion, ressort en "Libretto"), couronné par le prix Chapitre du roman européen 2011, magnifique opus sur un monde sur le point d'exploser. Editeur du domaine étranger chez Phébus depuis 2000, écrivain, l'auteur de La province des ténèbres (Phébus, 1998, prix Femina du premier roman, repris en "Libretto") et d'Ivresses du fils (Stock, 2004) revient cette fois avec un mince et tendu récit autobiographique.
Il est ici question d'une histoire d'amour et d'absolu. Celle qui a uni le narrateur à un être si proche et si indéchiffrable. Un être au "pas de brume", "agile, ailé", qui lui a apporté la paix et la limpidité. Avant leur rencontre, le narrateur est un homme de 42 ans seul et au chômage. Un homme las, las d'une "robuste lassitude" qui le maintient à la vie, las des démons qui le plongent dans des abîmes de désespoir. Un fils aussi, un orphelin qui repense à ses défunts parents. Aux bois de son enfance, "aux bruyères et aux genêts". A ses anciens amants, dont celui, fugace, qui lui affirmait qu'il était infichu d'aimer.
Puis arriva dans sa vie un chat de gouttière, un "fauve en miniature" qui sentait le talc. L'animal "couleur de neige etd'argent" est baptisé Que tal. Il se révèle exclusif, n'appréciant guère que son maître reçoive des garçons. D'abord stressé, il tolère peu la caresse, montre vite les griffes. La "bête tutélaire" s'est ensuite "magnifiquement" accordée au quotidien du lecteur et écrivain. Personnage singulier qui dort seulement quelques heures par nuit, se dit être "si peu", se tient à distance de bon nombre de ses semblables, réfugié dans le calme de son appartement ou sur une méridienne. Ces deux-là seront compagnons, jusqu'au décès de Que tal le 9 juin 2005, emporté par une embolie chez le vétérinaire.
Le livre de Daniel Arsand est un texte poignant sur la douleur et l'absence. Un cri, une saignée littéraire, une stèle vibrante dressée à l'aimé.