2 mai > Nouvelles Italie > Elisa Ruotolo

L’équipe de foot du bled, l’Aigle noir, n’a d’impérial que son emblème et porte le deuil de ses défaites. Le père du narrateur de "Je m’appelle Très Légende", qui ouvre le triptyque de nouvelles J’ai volé la pluie d’Elisa Ruotolo, en est l’entraîneur, qui n’a jamais pu mener ses garçons à la victoire. Face au Faucon aveugle, avec ses joueurs taiseux et impavides, toujours combatifs même après un accident d’autocar, l’Aigle noir y perd immanquablement ses plumes et se voit dérober les lauriers… mais le coach veut y croire.

Il fait bien: un jour, Gerardo Schiavone, "l’attaquant le plus nul que l’Aigle noir n’eût jamais eu", se fait porter pâle. C’est "Federí", le narrateur, qui endosse le maillot:"on l’emporta sur le score de 3 à 1, raison pour laquelle le Faucon aveugle repartit une queue énorme entre les jambes". Le champion fortuit ne cesse de faire gagner son camp: Très Légende est né.

Dans "Regarde-moi", Cesare, muet, peine à déclarer son amour à Silvia, une jeune étrangère qui travaille pour la famille du narrateur et adore la danse. Dans "Le petit est rentré", Maria, la contrebandière de bijoux dont le fils a disparu il y a des années, doit oublier cette perte pour se perdre elle-même dans les sentiments.

Si Elisa Ruotolo, née en 1975 en Campanie, prend soin d’édifier une petite dramaturgie dans ces vies apparemment sans histoires, elle réussit surtout à dépeindre le paysage naturel et mental de ses protagonistes - le quotidien du Sud rural de l’Italie pétri de superstitions et de religion - en faisant chanter la langue, un italien dialectal et imaginé, fort bien rendu par la traductrice, et chatoyer l’infini nuancier de l’âme.

Sean J. Rose

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