Ce pourrait être l'histoire, somme toute banale, d'un jeune Français moyen, né en 1992, qui a vécu une enfance pas facile, connu des drames familiaux, et se retrouve sans repères, sans envies, sans volonté de s'intégrer à une société occidentale matérialiste qui ne lui convient pas. Clément Sans, en quête de sens, a d'abord tenté la franc-maçonnerie, puis tâté du soufisme, du christianisme orthodoxe... Rien de tout cela n'a satisfait sa soif d'absolu. Il aurait pu finir dans un ashram à Rishikesh, mais les voies du Bouddha étant impénétrables, il rencontre le zen à Paris, dans un dojo rue de Tolbiac. Et commence à pratiquer le zazen, la méditation absolue, prônée par le zen sôtô, le plus rigoureux des bouddhismes nippons, institution structurée à la manière d'une toute-puissante administration. On est au Japon, tout est compliqué, organisé, ritualisé, corseté diraient certains.
Clément est séduit par cette ascèse, ce « lâcher l'ego ». À 26 ans, il part au Japon, découvrir le pays, apprendre la langue. À Kyoto, il tombe sur un étudiant en historiographie bouddhique qui le conforte dans sa démarche et l'oriente vers le petit temple d'Antai-ji, dirigé par la mère supérieure Eko Nakamura. Devenu Tōzan (« La montagne du pêcher »), il est d'abord unsui, novice itinérant, puis vit deux ans dans son monastère. Méditation zazen sans bouger quinze heures par jour, tâches les plus ingrates (voir le chapitre désopilant où il est tenzo, cuisinier, pour la première fois), confinement... « Nous puons et nous maigrissons », résume-t-il, car son livre, écrit avec beaucoup d'élégance, est aussi plein d'humour. À un autre moment, il est aussi yukidô, le sonneur de cloches qui doit organiser la vie des autres, les servir. Toutes les fonctions sont tournantes dans la communauté. Et puis enfin, le voici officiellement moine : il a fait shukke, revêtu le kesa, la grande robe noire malcommode. Mais pas plus.
La hiérarchie n'est pas pour lui. Il a préféré la vie civile, à Kyoto, guide pour visiteurs étrangers, marié avec Narumi. C'est d'ailleurs la limite de cette expérience, racontée de l'intérieur pour la première fois de façon si directe : le bouddhisme institutionnel « prend l'eau » chez les jeunes Japonais, et les moines sont majoritairement des Occidentaux paumés. On a hâte de rencontrer frère Tōzan.
Entre nuage et eau, le quotidien d’un apprenti moine zen
Équateurs
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20 € ; 238 p.
ISBN: 9782382843499