"Je décortique les systèmes comme je le ferais d’une langouste, ne gardant chaque fois que le meilleur, dont je suis juge à partir de ma philosophie." Marcel Conche est un philosophe dont la pensée est restée jeune. A 94 ans, ses étonnements ont la simplicité du premier regard. Ses Nouvelles pensées de métaphysique et de morale poursuivent Le sens de la philosophie (Encre marine, 2014). Cette fois, il est question de la notion de "vérité" en philosophie.
Dans de courts paragraphes, très argumentés, l’ancien professeur à la Sorbonne distingue le réel commun qui dure le temps d’une vie et le vrai réel qui dure le temps du temps. C’est évidemment ce dernier qui intéresse le philosophe. "Dans chaque acte de sa pensée le philosophe croit que son monde est le seul vrai et que l’exercice rationnel de son intelligence ne lui révèle pas un monde, mais le monde commun à tous, alors qu’il n’a fait qu’objectiver le monde qu’il a construit."
Avec le savoir de celui qui a circulé dans le monde antique entre Epicure, Héraclite, Anaximandre, Parménide, Lucrèce, Homère et Pyrrhon, il présente ce qu’il nomme les "points cardinaux" de sa philosophie et définit la métaphysique comme "un discours rationnel au sujet de la totalité de ce qui est réel". La vérité importe plus pour lui que le bonheur car "sans l’acte dont il est l’accompagnement, "bonheur" n’est qu’un mot vide".
Entre le système théiste qui place Dieu au centre et le système naturaliste qui tient la nature pour l’absolu, Marcel Conche nous livre une forme de sagesse - il détesterait sans doute le mot - dans la manière d’aborder le monde. L. L.