L'émergence de #MeToo en 2017 a favorisé le développement de catalogues et maisons dédiées aux féminismes. L'une des dernières nées : La Meute, fondée par Lorraine Selle-Delavaud en mars 2025, diffusée par le CDE et distribuée par la Sodis. Indépendante, La Meute s'est fait remarquer dès son arrivée en librairie. Son premier titre, « Pas tous les hommes quand même ! : #NotAllMen de Giulia Foïs (6 mars), s'est classé à six reprises dans les meilleures ventes d'essais et s'est écoulé à plus de 12 000 exemplaires, selon GFK.
Lire aussi : Lorraine Selle-Delavaud lance la maison d’édition féministe La Meute
L'ouvrage a inauguré la collection « Permis de déconstruire », portée par des formats courts de 96 pages vendus à 11,50 euros pour « décloisonner les ouvrages féministes » et les rendre accessibles aux lectrices et lecteurs manquant de temps ou de budget.
« Les goodies étant nombreux dans le milieu féministe, j'ai eu envie d'en intégrer dans mes livres »
Pour se distinguer sur un marché encombré, Lorraine Selle-Delavaud soigne chaque détail de fabrication. Autodidacte, elle puise son inspiration dans les réseaux militants. « Les goodies étant nombreux dans le milieu féministe, j'ai eu envie d'en intégrer dans mes livres », explique-t-elle. Une manière de « twister la fabrication tout en proposant des ouvrages abordables » mais aussi de « surprendre » et « prendre soin » de son lectorat en lui proposant, par exemple, une couverture façon emballage cadeau ou un marque-page intégré.
Rabat couvrant et sticker repositionnable- Photo OLIVIER DIONPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Au-delà de ces éléments visibles, Lorraine Selle-Delavaud prête « une grande importance aux petits détails » sans forcément les signaler. « Une certaine complicité peut se développer si le lectorat les découvre seul », espère-t-elle. Attention toutefois : « les facéties de fabrication ne sont pas gratuites, elles sont toujours accompagnées d'une pensée militante ». La mention de l'imprimeur est systématiquement assorti d'un commentaire féministe incisif (« Achevé d'imprimer en août 2025 sur les presses de Corlet en Normandie alors que 46 % des hommes se disent capable de faire atterrir un avion en cas d'urgence »).
Trouver un imprimeur capable de réaliser ses envies a d'ailleurs été une gageure. « J'ai démarché une dizaine de sociétés qui, toutes, m'ont répondu n'avoir jamais entendu parler de tel ou tel élément de fabrication », se souvient-elle. Après avoir collaboré avec Seytek Print en Belgique, elle a rapatrié sa production en France, chez Corlet.
Livres à offrir
À l’été 2024, La Meute dispose d’un programme essentiellement tourné vers des titres encore non traduits en France. La maison est prête à être accueillie en diffusion. Soudain, une idée bouscule l’agenda de Lorraine Selle-Delavaud. Celle d’une collection proposant « une mise au point salutaire » sur ces phrases que les femmes aimeraient ne plus avoir à entendre. « Permis de déconstruire » est née.
Ces ouvrages ne doivent pas s’adresser qu’aux seules lectrices. L’idée germe rapidement d’en faire un présent « d’une réjouissante insolence » destiné à ceux qui n’ouvriraient probablement jamais un livre féministe de leur vie. Armée de ses ciseaux, elle conçoit un prototype blanc. Les titres de la collection sont livrés « stickers et emballage cadeau inclus ». Concrètement, un rabat permet de recouvrir la première de couverture tandis qu’un sticker repositionnable vient refermer l’ensemble.
L’idée peut paraître simple. Sa mise en application s’avère bien plus complexe. Les dimensions du rabat ont été calculées au millimètre près pour cacher parfaitement la couverture, en veillant à ce que « les motifs se chevauchent élégamment ». Les stickers ont nécessité six tentatives avant d’atteindre un résultat satisfaisant. Sur les premiers tests, la colle utilisée les rend par exemple « difficilement décollables ». Finalement confectionnés sur du papier mat, ils sont posés, avec une colle appropriée, sur un vernis antirayure pour ne pas abîmer la couverture lors du retrait. Une notice d’emballage, imprimée en ouverture du livre, complète le cadeau.
Pour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Grand format livré avec accessoire
Huit mois après le lancement de La Meute, Lorraine Selle-Delavaud ouvre son catalogue aux grands formats avec Pour que la honte change de camp. Mazan vu par Anna Margueritat (6 novembre). Photojournaliste de 25 ans, l’autrice a suivi le procès de l’affaire Pelicot et relate « ce que Mazan a remué, déplacé ». Durant le procès, l’éditrice repère le portrait de Gisèle Pelicot signé Cecilia Lundgren et publié en une de Vogue Germany.
Elle en achète aussitôt les droits, songeant à en faire « une affiche détachable que l’on puisse brandir en manifestation ». Puis renonce. « Je ne souhaite pas participer davantage à l’iconisation de Gisèle Pelicot », déclare-t-elle. Elle commande alors un second portrait – celui de Caroline Darian – à Cecilia Lundgren et opte pour une couverture réversible. « Je souhaite mettre en avant le lien entre la mère et la fille sans les opposer », souligne-t-elle.
Les deux femmes s’affichent de face, puis de dos à l’intérieur du livre. À chaque vente, un euro est reversé à l’association #MendorsPas de Caroline Darian. Pour ses grands formats, Lorraine Selle-Delavaud poursuit ses expérimentations. Des rabats couvrants sont placés sous la couverture pour simuler un « effet coffret ». Ils accueillent les informations traditionnellement inscrites en quatrième de couverture, libérant ainsi de l’espace pour la couverture réversible.
Le code-barres migre sur la tranche. Sur le rabat figure aussi un marque-page détachable illustré d’images de manifestations féministes. « Un marque-page sera désormais intégré dans chaque grand format », précise Lorraine Selle-Delavaud. Clin d’œil graphique cher à l’éditrice : le slogan « Pour que la honte change de camp » inscrit en haut de chaque page et un feu dessiné en bas s’assombrissent progressivement à la manière d’un flip book.
Pour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.

