Dans ce secteur du livre réputé "mûr", adossé à un noyau de clientèle recruté dans les CSP+, il est d'usage de rappeler que si son marché profite moins que d'autres des périodes de croissance, le livre pâtit également moins des périodes de vaches maigres. L'adage se vérifie encore à l'heure du bilan économique de 2012. Les ventes de livres n'ont reculé "que" de 1,5 % quand le commerce dans son ensemble s'inscrit à - 2,1 %. Cela paraît pourtant un peu court pour embrasser la complexité des tensions qui enserrent aujourd'hui l'activité des éditeurs, des libraires et des bibliothécaires.
Le recul des ventes reste modeste. Il n'est pas non plus inédit. Mais l'année dernière est la troisième consécutive de repli, pour la première fois depuis deux décennies. La conjoncture a sa part dans cette contre-performance répétée. Mais il faut aussi compter avec l'effritement continu depuis plus de trente ans du noyau de gros lecteurs, et avec les nouvelles concurrences notamment nées de l'Internet. Le temps consacré par les Français à la lecture de livres est sans cesse grignoté. Des pans entiers de l'édition, de la référence au pratique, sont attaqués. La librairie et même les bibliothèques sont fragilisées. Les conditions de la création et de la préservation de la diversité éditoriale sont interrogées. Justifiant l'aggiornamento en cours dans l'ensemble de la chaîne du livre depuis trois ans, le bilan 2012 confirme qu'on ne peut seulement compter sur un retournement de conjoncture pour redonner au livre une dynamique positive.
Pour réviser les modèles de développement du secteur, la ténacité est de mise. Mais, parmi d'autres initiatives, la "saga des Peix", ces deux libraires dont nous vous avons fait vivre pendant dix-huit mois dans ces colonnes le parcours du combattant pour créer leur librairie, montre qu'elle peut payer. Entre ambitions et doutes, espoirs et déconvenues, Martin Peix et Ingrid Lafon ont finalement mené à bien avec succès leur projet. Il se concrétise par l'ouverture à Bordeaux, sur la rive droite de la Garonne, d'une nouvelle librairie de 78 m2. "Nous souhaitons, disent-ils, inviter nos clients à passer un moment en notre compagnie comme l'on peut convier des proches chez soi, à la maison." Un exemple à suivre ?