Chez Glénat, on a été surpris, et cela se comprend. On peut ou non apprécier les fantasmes du jeune Bastien Vivès, dessinateur post-adolescent toujours fasciné par les poitrines opulentes et les postérieurs charnus déclinés dans plusieurs de ses livres. Mais pour considérer son Petit Paul - dans lequel l'auteur manifeste sa propre aspiration à une surpuissance sexuelle en mettant en scène, non sans humour, un préadolescent précoce au pénis démesuré et fortement réactif - comme un brûlot pédopornographique, il faut avoir l'esprit bien mal tourné. Ou tout simplement ne pas avoir lu ce petit recueil porno-humoristique clairement réservé aux adultes, vendu scellé sous film plastique et sticker avec les avertissements de rigueur.
Au demeurant, personne n'est obligé de le lire. Mais cela n'empêche pas ses détracteurs de s'émouvoir, ou plutôt de se déchaîner sur les réseaux sociaux, tandis que plus de 2 000 ont signé la pétition qui circule sur le Net. Ces derniers, qui ont obtenu que Cultura et Gibert retirent le titre de leurs rayons, réclament carrément à Glénat son retrait de la vente. Poursuivant cette stratégie d'intimidation, certains sont même allés jusqu'à déplacer le livre dans le rayon de bande dessinée pour la jeunesse d'une succursale de la chaîne de librairies Decitre pour mieux stigmatiser ensuite sur Twitter, photo à l'appui, le « pédocriminel » (sic) Decitre !
Pas facile pour un éditeur, fût-ce sous blister, de sortir Petit Paul. Comme Livres Hebdo le pointait déjà dans une enquête, en mars dernier, de Tous à poil ! à On a chopé la puberté en passant par le Dictionnaire fou du corps, de nombreux titres pourtant publiés dans le respect de la loi s'attirent depuis quelques années, sous des prétextes variés, les foudres de censeurs improvisés qui pratiquent l'outrance et l'anathème. Or leur gourdin, qui menace la liberté de publier et avec elle un pan essentiel de notre démocratie, est bien plus inquiétant que celui de Petit Paul.