Un nouvel acteur de l’édition, Spines, annonce vouloir révolutionner l’industrie du livre en publiant 8 000 livres en 2025 grâce à l’intelligence artificielle. Fondée en 2021, Spines, qui a lancé ses premiers titres cette année, est une start-up technologique proposant, moyennant des frais, l’utilisation de l’IA pour corriger, produire, publier et distribuer des livres. L’entreprise facture jusqu’à 5 000 dollars par livre et peut transformer un manuscrit en un ouvrage prêt à la publication en seulement trois semaines.
Spines n’est pas la seule entreprise à vouloir innover dans l’édition. Ces derniers jours, Microsoft a lancé sa propre maison d’édition, 8080 Books, affirmant que « la technologie a accéléré presque tous les secteurs, sauf l’édition ». De son côté, ByteDance, la société derrière TikTok, prévoit de vendre des livres imprimés dans des librairies dès l’an prochain sous son label 8th Note Press.
Levée de fonds et ambitions élevées
Spines a récemment levé 16 millions de dollars. En septembre 2024, la start-up avait déjà publié 273 titres, dont 33 en une seule journée. « Nous voulons publier jusqu’à 8 000 livres l’année prochaine. L’objectif est d’aider un million d’auteurs à publier leurs œuvres », a déclaré Yehuda Niv, P-DG et cofondateur de Spines, au Bookseller.
Niv a expliqué avoir perçu, il y a trois ans, que l’IA allait bouleverser le monde de l’édition. À l’époque, il dirigeait une maison d’édition hybride en Israël, Niv Books. « J’avais deux options : devenir obsolète à cause de l’IA ou saisir cette opportunité pour transformer le secteur », a-t-il confié.
À l’image de 8080 Books, Spines se distingue par sa capacité à réduire drastiquement les délais de publication, passant de 6 à 18 mois en moyenne, à seulement 2 ou 3 semaines. Les services proposés incluent la correction, la création de couvertures, l’optimisation des métadonnées et des traductions limitées (actuellement en espagnol).
Les auteurs financent ces services, mais conservent l’intégralité de leurs droits et royalties, un modèle proche de l’auto-édition. Cependant, Niv précise que Spines « n’est pas de l’auto-édition, ni une maison d’édition traditionnelle, ni une édition à compte d’auteur. Nous sommes une plateforme d’édition, un concept entièrement nouveau. »
Critiques et défis à relever
L’automatisation suscite néanmoins des inquiétudes, notamment sur l’impact potentiel sur les professionnels de l’édition, tels que correcteurs, designers ou traducteurs. Niv insiste : « Nous ne remplaçons pas la créativité humaine. Nous aidons les auteurs à publier de manière plus efficace et moderne. »
Alors que les revenus moyens des auteurs ont chuté, passant de 12 330 livres sterlig en 2006 à 7 000 en 2022, certains doutent de la viabilité d’un investissement allant jusqu’à 5 000 dollars pour publier un livre. Niv défend une autre vision : « Pour la plupart des auteurs, ce n’est pas une question de profit. C’est un processus de valorisation personnelle. Publier un livre, c’est laisser une trace, un héritage ». Spines prévoit d’étendre ses services à la création de livres audio avec des voix synthétiques et, à terme, des clones vocaux des auteurs eux-mêmes. « Cette fonctionnalité est encore en développement », précise Niv.
Reste à savoir si le modèle de Spines influencera durablement l’édition traditionnelle. Anne Hervé, consultante éditoriale, estime que l’IA peut alléger certaines tâches répétitives, comme le traitement des métadonnées, mais qu’elle ne remplacera jamais la créativité humaine : « Nous avons besoin de l’humain pour la nuance et la magie qu’apporte le processus éditorial. »
L’essor de Spines et d’autres initiatives technologiques pose une question cruciale : comment le monde de l’édition évoluera-t-il face à ces transformations rapides ?
Article publié dans le cadre d'un partenariat avec The Bookseller et initialement publié à cette adresse.