SLPJ 2024

Spécial jeunesse 2024 : l'âge des raisons

Un jeune lecteur - Photo Olivier Dion

Spécial jeunesse 2024 : l'âge des raisons

Opération séduction pour les 8-12 ans, revalorisation du fonds, beaux objets... Pour contrer une conjoncture économique peu favorable et un décrochage alarmant de la lecture, le marché de la jeunesse redouble de créativité. 

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Par Elodie Carreira, Léon Cattan
Créé le 29.11.2024 à 17h30

Touché par les déboires de l'inflation et la conjoncture politique, comme l'ensemble du milieu de l'édition, le marché de la jeunesse dresse un bilan en demi-teinte. Face à une baisse généralisée des ventes, dans la continuité assidue des exercices précédents, (-4,7 % en volume entre octobre 2023 et septembre 2024 d'après nos données GFK), la revalorisation du prix des ouvrages (le tarif moyen au titre a de nouveau progressé de 4,3 % pour s'établir à 9,97 euros) permet néanmoins aux éditeurs de maintenir des scores honorables, avec un chiffre d'affaires relativement stable (-0,4 %). Certains segments comme les albums 4-7 ans (+1,8 %) et les romans 8-12 ans (+2,4 %) affichent même une légère progression. Preuve, s'il en faut, de la résilience du marché.

« Après un premier semestre plutôt atone, chahuté par les Jeux olympiques et les élections législatives, la rentrée se passe bien. Les ouvrages trouvent leur public et nous retrouvons une sérénité avec une hausse de 5 % sur la partie jeunesse », note Agathe Jacon, directrice du développement des éditions L'École des loisirs et codirectrice de La Maison des histoires. En dépit d'une crise de la lecture, souvent imputée à la prédominance des écrans, certains éditeurs se réjouissent même de capter un middle grade (8-12 ans) habituellement plus récalcitrant.

Deuxième en valeur sur le marché, le segment profite aussi bien du dynamisme des nouveautés que de celui des fonds. Après le succès des Mémoires de la forêt de Mickaël Brun-Arnaud, dont le dernier tome est paru à la mi-octobre, L'École des loisirs mise désormais sur les prochains opus de séries déjà bien installées (La vie de château, Le pays des Chintiens). Même son de cloche chez Gallimard Jeunesse, qui fêtait en grande pompe le trentenaire des Drôles de petites bêtes d'Antoon Krings avec la publication d'un 73e opus, Lily Pissenlit, ainsi qu'un abécédaire illustré. La maison historique prolongera aussi la « Pottermania » jusqu'aux fêtes en proposant un coffret réunissant les trois premiers tomes de la franchise illustrés par MinaLima, et un livre pour les 7-12 ans, Noël à Poudlard, qui reprend un passage d'Harry Potter à l'école des sorciers. Tiré à 50 000 exemplaires, il est porté par le coup de crayon de la dessinatrice chinoise Ziyi Gao. L'année prochaine, ce sera au tour de L'âne Trotro, qui soufflera sa 25e bougie, et la saga fantasy Les Royaumes de feu de Tui T. Sutherland.

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Louison Couzy- Photo SEUIL

Bayard Jeunesse restructure ses poches avec Grand Galop, drama adolescent des années 1990-2000 qui, comme Premier crush (Auzou), fait la part belle aux amours balbutiantes. « C'est un segment qui, grâce à notre force de prescription, à la richesse de notre fonds et à la réussite de nos albums auprès des bibliothécaires et des prix littéraires, marche très bien », soutient également de son côté Mélanie Perry, à la tête de Didier Jeunesse.

Fantastiquement beau

Touchées par la vitalité créative de la fantasy, de nouvelles séries imbibées d'imaginaire voient aussi le jour. De retour en librairie, le maître du genre, Victor Dixen, offre Agence Perdido (Bayard Jeunesse), une saga peuplée de créatures folkloriques qui bénéficie d'une édition collector et dont le préquel paraîtra au format BD en 2025. Alors que Flammarion Jeunesse signale l'arrivée au catalogue de Marie Pavlenko avec Le jour où le monde est devenu bizarre, Susie Morgenstern, la créatrice de L'apprenti roi, rejoint le label « Le Club » de Michel Lafon Jeunesse. L'autrice vient de recevoir le prix de la Grande Ourse 2024. De son côté, Rageot contribue à la réhabilitation de la figure de la sorcière (Potions magiques et sortilèges, d'Aurore Gomez) et donne suite aux aventures d'Holly à l'école d'équidragon de Catherine Kalengula et dont le troisième volume paraîtra début janvier. 

Pour se démarquer au sein d'un genre prisé de tous, les éditeurs misent sur l'attractivité des couvertures et des formats au cœur d'un regain d'intérêt plus global pour la matérialité (les beaux-livres ayant progressé de 12,2 % en valeur). « On observe le retour d'une tendance très en vogue dans les années 1970 qui concerne surtout le roman jeunesse de genre avec des ouvrages souvent collectionnés parce que très beaux dans les bibliothèques », soutient Sophie Giraud, directrice éditoriale et artistique des éditions Hélium. Depuis quelques années, la petite maison met un point d'honneur à ne proposer que des albums reliés aux 9-12 ans, à l'instar de L'étoile de Mo de la Coréenne Yeonju Choi, réimprimé à trois reprises depuis sa parution en septembre et favorablement accueilli par la critique.

Le postulat se vérifie également du côté de la réédition de classiques développés par la collection MinaLima de Flammarion Jeunesse (La petite sirène, Le jardin secret), dans les albums illustrés d'Albin Michel Jeunesse (La Belle et la Bête, Peter Pan) ou les contes revisités de Sarbacane (La reine des neiges, L'appel de la forêt). « Il y a une véritable beauté et un attachement profond au livre, rendu très instagrammable auprès d'une génération qui a grandi avec la culture de l'image », abonde Céline Dehaine, directrice éditoriale de Flammarion Jeunesse.

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Angèle Cambournac- Photo SEUIL JEUNESSE

Difficile de ne pas y voir un héritage du rayon adolescent, longtemps porté par les fans de Harry Potter avant que le raz-de-marée de la romance et sa déferlante de déclinaisons inondent le marché. Sous l'effet prescripteur de TikTok, le genre continue de bénéficier de doubles parutions standard/collector, la seconde se parant de dorures et de jaquettes très prisées du public. Mais il a aussi brouillé les frontières entre lecteurs ados et jeunes adultes, obligeant l'ensemble des éditeurs à monter au créneau. 

Historiquement en retrait sur le young adult, L'École des loisirs s'est ainsi initiée aux univers romantiques et fantastiques, distillés dans des textes francophones tels qu'Entrer dans le monde de Claire Duvivier ou Au bout du monde d'Emmanuelle Pirotte. De la même façon, Milan Jeunesse a développé la série d'inspiration nippone Korento d'Anne Maija Aalto ou encore Ombreline de Manon Fargetton, tandis que les éditions Didier Jeunesse assurent, elles aussi, vouloir se tailler une place sur le marché en 2025 avec les romancières Nina Allan et Lily-Belle de Chollet.

Lendemain de fête pour la romance

« Nous sommes actuellement en haut de la vague de la romance, qui représente un livre vendu sur neuf. C'est une littérature extrêmement ramifiée. Chaque maison l'adapte en fonction de son identité, mais il n'y a plus un éditeur ou un agent qui passe à côté de certaines variations comme la romantasy », certifie Louison Couzy, responsable d'édition fiction de La Martinière Jeunesse, à son retour de Francfort. L'éditrice signale Mary Pearson ou Sarah J.Maas - « papesses de la romantasy » outre-Manche -, avant d'invoquer des titres plus hybrides, à l'instar de la trilogie Songlight de Moira Buffini, qui emprunte à la série télévisée The Handmaid's Tale sa trame dystopique. De la même façon, Pocket Jeunesse, qui fêtait cette année ses 30 ans, revendique Heartless Hunter, une histoire de magie sur le modèle enemies to lovers, signée Kristen Ciccarelli.

Céline Dehaine
Céline Dehaine (Flammarion Jeunesse)

Passé l'effervescence des premiers émois, le genre renoue cependant avec une humilité des chiffres (+0,7 % en 2024 contre +14,8 % l'an passé) qui suppose un renouvellement contraint de l'offre éditoriale. « Après quatre années exceptionnelles, nous gérons désormais le post-best-sellers » annonce Murielle Couëslan, directrice générale des éditions Rageot. Portée par le phénomène Holly Black (qui a vendu près d'un million de livres en France), la maison continue de capitaliser sur l'autrice à succès, mais parie également sur des romances LGBTI+ (Les ombres de Willowthorne d'Estelle Faye), historiques (What the River Knows d'Isabelle Ibañez). Voire sur des récits dits réalistes (Nos vies en l'air de Manon Fargetton).

« Le young adult est une tendance inéluctable en train de se décloisonner », constate aussi Isabelle Péhourticq, directrice éditoriale d'Actes Sud Jeunesse, qui travaille à la confection d'une collection d'horreur. D'autres titres de fiction contemporaine sont par ailleurs attendus en janvier du côté de Flammarion Jeunesse (Le ciel de Joy de Sophie Adriansen), dans la collection « Exprim' » de Sarbacane (Celle qui rêvait des tigres d'Élodie Chan) ou encore chez Bayard Jeunesse (Le royaume détraqué de Thibault Bérard).

De bonbon ton

Chez les plus jeunes, le ton est à l'humour, rempart contre les aspérités du monde et levier de ventes important. « Dans un climat plutôt pesant et anxiogène, les livres drôles fonctionnent vraiment bien. Les parents cherchent des choses drôles, légères », estime Angèle Cambournac, responsable éditoriale d'albums au Seuil Jeunesse. Écoulée à plus de quatre millions d'exemplaires en France, l'incontournable Journal d'un dégonflé de Jeff Kinney revient ainsi début novembre avec un 19ᵉ tome. Toujours chez le même éditeur, la collection de poches « Seuil'issime », dont le nombre de titres passera de 6 à 14 dans l'année, signe le retour de l'adorable lapin blanc d'Antonin Louchard avec Pourquoi les lapins ne portent pas de culotte. Sur le même modèle, Michel Lafon Jeunesse réédite les titres patrimoniaux de la licence Paddington de Michael Bond, à l'occasion de la nouvelle série diffusée sur Canal, tandis que le Poulpe Fictions compte sur Faustina Fiore, autrice des Journaux pas si intimes de Marion, dont le premier tome comptabilise 10 000 ventes.

Maison de référence en termes de fonds vivant, L'École des loisirs continue également de surfer sur le succès de Chien pourri de Colas Gutman, dont chaque nouvelle parution surpasse les 15 000 exemplaires, avec une édition intégrale « à lire et à écouter » pour la mi-novembre. Pour ravir les enfants de 3 à 6 ans, les auteurs emblématiques du catalogue rafraîchissent aussi leur petit héros. Stéphanie Blake livre son premier « Cherche et trouve » avec Simon - Viens au musée !, Olivier Tallec réveille son écureuil pour l'automne dans Est-ce qu'il dort ?, tandis que Claude Ponti donne vie à Olie-Bouli. Côté éveil, la maison célèbre les 30 ans de la collection « Loulou & Cie », dirigée par Grégoire Solotareff, et qui prospère grâce aux plumes établies d'Alex Sanders, Soledad Bravi, Bénédicte Guettier et bien d'autres. 

Mais s'il s'explique en partie par la difficulté des nouvelles séries à s'établir durablement, ce phénomène d'actualisation des fonds coïncide aussi avec une certaine prudence des éditeurs, face à un secteur en proie à la surproduction. « Est-ce que les tables des libraires ont vraiment besoin de cet ouvrage ? », s'interroge systématiquement Angèle Cambournac, au Seuil. « En réponse à des contextes éco ou politico-anxieux auxquels nous sommes poreux, nos auteurs comme nos équipes éditoriales ont envie d'aller vers des histoires lumineuses, mais aussi plus engagées », corrobore Aude Sarrazin, directrice éditoriale de Glénat Jeunesse. En guise d'aperçu, l'éditrice cite Lila et le baiser des mers, ouvrage mettant en scène une héroïne porte-parole de la faune marine, signé Marie Pavlenko et préfacé par la fondation Bloom de Claire Nouvian. 

De l'engagement

Sous couvert de divertissement, les titres faisant écho aux préoccupations actuelles se multiplient tout naturellement dès le plus jeune âge. Spécialisée dans les albums légers, la maison Hélium se positionne sur « du contenu politique, mais sympathique » avec des autrices comme Amanda Gorman, figure militante du mouvement « Black Lives Matter » et autrice de Petit à petit.

De la même manière, la maison indépendante strasbourgeoise Père Fouettard porte des titres à l'instar de Poussins, poussines de Laurent Cardon, sur l'abolition des frontières du genre, ou Kintsugi d'Issa Watanabe, qui file la métaphore de la résilience à travers un art japonais consistant à réparer les céramiques. À l'aube du 50ᵉ anniversaire de Petit ours brun, Bayard Jeunesse aussi s'intéresse aux nouveaux modèles familiaux et prévoit la parution de « Môme », une jolie collection d'albums tout-carton centrée sur le contact avec les enfants. De la même façon, Didier Jeunesse se réjouit de répondre à un public en quête d'engagement avec Chonchon, le fée cochon, récit déjouant les stéréotypes de genre, réimprimé dès sa sortie fin août.

« L'amour et l'amitié sont deux thématiques très fortes, symptomatiques du besoin, pour une génération éprouvée et revendiquant son émotivité, d'être rassurée », acquiesce Marion Jablonski, directrice du département Albin Michel Jeunesse. Paru fin août, Au revoir mésange d'Astrid Desbordes (collection « Archibald »), ose ainsi aborder, tout en douceur, la thématique du deuil. « On tâche de nourrir une approche moderne de la parentalité et d'encourager l'expression des émotions », surenchérit Damien Hervé, directeur éditorial d'Auzou, citant les dernières innovations autour de P'tit loup, personnage partisan de la progression à deux chiffres de la maison. Si les documentaires ont encore le beau rôle dans cette forme de vulgarisation du monde, la fiction complète désormais l'offre initiale. 

Petite mais grande enfance

« En dessous de 8 ans, les petits lecteurs ne sont pas encore autonomes. La lecture fait donc l'objet d'un moment partagé avec le parent et il semblerait que cette tendance de fond à ralentir, à se reconnecter à soi, profite à l'un comme à l'autre », explique Aude Sarrazin (Glénat Jeunesse). À l'approche des fêtes d'année, les contenus « doudou » sont a fortiori de rigueur et enregistrent de belles performances. Chez Auzou, la plume de Sophie Moronval (L'écharpe porte-bonheur) met à l'honneur les couleurs de l'automne dans un récit d'amitié écoulé à près de 4 000 ventes en un mois, tandis que Rébecca Dautremer s'essaye à un lectorat « tout-petit » avec Jacomimi. Traduit dans sept langues avant même sa publication début octobre, le titre, sorte de préquel aux aventures de Jacominus, a même trouvé preneur sur un marché anglo-saxon connu pour son imperméabilité. 

Cadeau de prédilection à Noël, le livre jeunesse se dote également d'armatures soignées. Comme chaque année, le Calendrier de l'Avent Père Castor (Flammarion Jeunesse), illustré cette année par Sophie Lebot, est victime de son succès. Tiré à 15 000 exemplaires, ses stocks ont été épuisés fin octobre. De quoi ravir la maison, dont le chiffre d'affaires bénéficie d'une hausse de 2 % à l'aune du second semestre. La performance vaut aussi pour les romans de l'Avent publiés par Auzou, dont la moitié manque provisoirement. 

Damien Hervé Auzou
Damien Hervé (Auzou)- Photo MARIE DL

« Par rapport au reste du marché, nous surperformons au sein de la petite enfance », se réjouit à son tour l'équipe du Seuil Jeunesse illustré qui soutient l'original Encore un plouf ! d'Isabelle Ricq. D'un coup de crayon habile, l'illustratrice reproduit à l'identique des photographies réalisées dans un aquarium, proposant une véritable plongée sous-marine. L'éditeur fait également valoir Le catalogue des jouets (de tes rêves) d'Elsa Whyte et Roland Garrigues. Moyennant l'attractivité du format, Bayard Jeunesse enrichit sa collection « Tout-Carton Tout Mignon » inaugurée en septembre dernier, avec Rikiki s'ennuie de Samir Senoussi et offre, pour les festivités, une édition collector de La cabane à 13 étages d'Andy Griffiths, tirée à 13 000 exemplaires.

Dans le même registre, la collection « Le goût de » (Père Fouettard) conjugue photographies et illustrations crayonnées et s'étoffera, d'ici janvier, du Goût de l'hiver de Louna Demir et Jesuso Ortiz. « C'est une collection qui prend bien en France, mais aussi en vente de droits à l'étranger puisqu'on vient de l'exporter en Corée du Sud, aux États-Unis et à Francfort », s'enthousiasme le dirigeant de la maison. Pour L'École des loisirs, l'enjeu concerne le troisième tome des Bonnes idées de Timothée : La recette d'un merveilleux Noël, d'Angélique Leone, ainsi que Perce-neige, conte revisité par Grégoire Solotareff et Emmanuel Lecaye.

Cap sur la BD

En marge des chiffres du secteur, la bande dessinée jeunesse contribue pourtant à la bonne santé des maisons d'édition. Alors que certaines d'entre elles peuvent compter sur leurs locomotives, d'autres, enivrées par les ventes vertigineuses du phénomène Mortelle Adèle, veulent, à leur tour, se faire une place au soleil.

« La BD jeunesse a gagné ses lettres de noblesse. Longtemps considérée comme un divertissement ou un contenu complémentaire, elle est désormais appréhendée comme un art où la création se diversifie et se renouvelle », explique Agathe Jacon, cofondatrice de la filiale BD de Rue de Sèvres. Depuis 2013, la maison adapte environ quatre titres par an tirés du catalogue de L'École des loisirs, dont elle partage le giron. Portées par le best-seller Le Voyage de Shuna de Hayao Miyazaki (plus de 220 000 exemplaires), les éditions Sarbacane ont connu une progression à deux chiffres (+ 34 %). La maison tente de nouvelles productions de longues durées telle que de La Trahison d'Olympe de Jean Dalin. Acteur majeur du secteur, Auzou est arrivé tardivement sur la BD jeunesse (2021) mais voit sa princesse araignée, Migali, imaginée par Alexandre Arlène et Fabien Ockto Lambert, monter en puissance avec une multiplication des publications.

Un art roi

« L'année 2024 a été, pour nous, celle d'une forte croissance portée par nos séries incontournables », se réjouit Louis-Pascal Deforges, codirecteur général de Bayard Éditions et Jeunesse. Hors Mortelle Adèle, dont l'attractivité du fonds perdure en dépit de la nouvelle indépendance de Mr. Tan & Co, la maison peut compter sur la remarquable progression d'Anatole Latuile (+ 25 % sur les douze derniers mois) comme sur la popularité intemporelle des séries Ariol, Émile et Margot, La Cantoche ou plus récemment Avni. Mais l'éditeur ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Il a lancé, début octobre, la collection « Mini-BD Kids » pour les 3 ans et plus, inaugurée avec Les sœurs même pas peur de Clément Fabre.

Tendance devenue mondiale, la bande dessinée s'impose aussi comme un argument redoutable pour booster les traductions et les ventes de droit. Ainsi, les premières connexions de la maison Jungle reposent sur les acquisitions du Mystère du lac de l'Australien Jason Pamment ou de Frizzy de l'Américaine Claribel A. Ortega. Pour récupérer les aficionados de romance, la maison prévoit également le développement d'une collection de « romances graphiques », dont elle compte déposer la marque de fabrique.

« Tout le monde veut faire du roman graphique adapté à la jeunesse »

« Je sens que la BD jeunesse va être porteuse du secteur », assure de son côté Florent Grandin, fondateur de Père Fouettard. L'éditeur lancera au printemps prochain « Marave », une collection BD nimbée de fantasy et d'humour, à destination des pré-ados et ados, tandis qu'Hugo Jeunesse se lancera en mars 2025 avec la série Les Mousque'Terres, qui suivra trois éco-justiciers déjouant les magouilles d'un millionnaire cupide. Pour enrayer la fuite du lectorat d'albums qui, une fois qu'il grandit, tend à se diriger vers le roman ou la bande dessinée, Le Seuil inaugurera en mars 2025 une collection adressée aux 7-12 ans. Dans un format souple « à glisser dans son sac », des titres de non-fiction issus du catalogue du Seuil Sciences humaines (Le racisme expliqué à ma fille de Tahar Ben Jelloun) verront le jour, tout comme un volet fiction, amorcé avec les histoires de Denis Baronnet et Marjolaine Leray.

« Désormais, tout le monde veut faire du roman graphique adapté à la jeunesse », constate également Olivier Sulpice, dirigeant du groupe Bamboo Éditions. Experte en la matière (la série Les Sisters frôle le million d'exemplaires vendus depuis sa création), la maison observe, pour sa part, un retrait de la BD humour et des démarrages difficiles du côté de nouvelles séries (Les Justiciers de la Justice de Sti & Stivo) au profit de la fantasy, signature du label Drakoo (Le grimoire d'Elfie de Christophe Arleston, Audrey Alwett et Mini Ludvin, dont le 5ᵉ tome a paru début novembre).

Le manga, un soleil couchant ?

Après One Piece, plusieurs mangas cultes touchent à leur fin. Parmi eux : Tokyo Revengers et Captain Tsubasa (Glénat) ou encore Jujutsu Kaisen et My Hero Academia (Ki-Oon). « Le manga a connu une évolution fulgurante ces dernières années, donc il est mécaniquement évident qu'elle soit suivie d'une phase d'atterrissage », explique Satoko Inaba, directrice de Glénat Manga. Un cycle naturel que l'éditrice entend relancer avec de nouvelles séries comme Shangri-la Frontier ou Sakamoto Days. « Le chiffre d'affaires du manga n'a perdu que 6 % en moyenne et les séries avec une telle ampleur ne disparaissent pas. Elles deviennent des classiques », défend de son côté Ahmed Agne, directeur de Ki-oon, qui compte sur des « relais de croissance », à l'instar des Carnets de l'apothicaire, dont la deuxième saison animée sera diffusée en 2025.

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