Le pays du père disparu. Moise a 15 ans quand son père disparaît. Du jour au lendemain, il n'assiste plus aux réunions avec les professeurs, ne relit plus ses devoirs, ne signe plus ses bulletins. Pour faire face à son absence, Moise décide de le tuer, dans son cœur et dans son corps, et de se construire sans cet homme qu'il considère pourtant comme son héros. Cinq ans plus tard, Moise apprend que son père est retourné au Cameroun, son pays, et qu'il a été emprisonné pour raison d'État. « Pendant ces cinq années, j'avais été incapable d'imaginer sa vie, de concevoir ce qu'il devait endurer. Je n'avais pensé qu'à moi. Le mot "prison" donnait soudain une dimension de réalité crue à son absence. »
Mort, le père de Moise l'a déjà été, symboliquement, quand l'espoir d'un Cameroun libre s'est évanoui. Pour comprendre l'histoire de ce pays et son impact sur sa trajectoire personnelle, Moise gagne Yaoundé, puis Douala et le golfe de Guinée, les villes d'Edéa et Kribi où les fantômes du passé se mêlent à d'anciennes connaissances dont les paroles confirment ou contredisent les souvenirs de Moise. Leur « mécanique » prend alors forme sous les yeux du lecteur, le long de routes sinueuses, parfois difficiles ou dangereuses, dont les méandres influent sur l'écriture et dessinent des va-et-vient dans le temps, au sein d'une temporalité elle-même mouvante, épousant les contours de la mémoire. « N'arrête jamais d'écrire, mon fils. Tu sembles tellement heureux », avait un jour demandé sa mère à Moise qui tenterait de suivre son conseil, en hommage à celle qui disparaîtrait elle aussi précocement. « Je me croyais capable, alors, de tenir cette promesse simple. Je le voulais. Je savais à quel point il était crucial pour moi d'écrire. De disposer de cet espace libre à l'intérieur duquel tout pouvait se construire, être dit, pensé, murmuré, suggéré. »
Écrivain, commissaire d'expositions et cofondateur avec Jean Loup Pivin de l'excellente Revue noire consacrée aux expressions artistiques africaines, Simon Njami est l'auteur d'essais sur James Baldwin et Léopold Sédar Senghor. Avec La mécanique des souvenirs, il livre un texte personnel où il s'interroge sur la mémoire individuelle et la manière dont celle-ci se construit, entre cécité et recréation, traumatismes originels et fidélité envers ceux qui nous sont chers.
La mécanique des souvenirs
JC Lattès
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 250 p.
ISBN: 9782709672641