Avant l'ouverture du marché des droits qui reste quand même la raison d'être de la Foire de Francfort, les pré-conférences consacrées au futur numérique du livre se multiplient cette année, à l'initiative d'organisateurs américains.
Publishers Launch, à l'origine du site d'information
Publishers Marketplace, a organisé dès lundi une journée de conférences sur « le livre numérique à la conquête du monde : stratégie et situation », avant le Tools of Change for publishing (TOC) proposé depuis deux ans par l'éditeur américain O'Reilly, le mardi juste avant le démarrage de la foire.
Lundi, l'ambiance était dominée par les optimistes, qui se voient sûrs de sortir gagnants de la mondialisation du marché du livre, via la circulation sans entrave que la numérisation des contenus laisse espérer. L'édition en langue anglaise a bien pris conscience de l'enjeu : entre les pays anglophones pour l'essentiel occidentaux et riches, et ceux où l'anglais est la langue des catégories socioprofessionnelles supérieures, le marché potentiel apparaît très solvable et sans frontières, ainsi que les éditeurs concernés ont commencé à le constater.
Ils sont soutenus aussi par trois entreprises américaines, implantées dans le monde entier : Amazon, Google et Apple, qui s'intéressent toutes au livre. Les représentants des deux premiers ont d'ailleurs expliqué devant les auditeurs de Publishers Launch tout le bien qu'ils pouvaient tirer d'une coopération efficace, via le Kindle pour l'un, ou le programme eBooks pour l'autre. Tout n'est pas perdu pour les petites langues que de nombreux Terriens persistent encore à parler, notamment en Europe. Kobo, le libraire numérique canadien, qui vient de signer un accord avec la Fnac (voir
notre actualité), s'attache à une grande diversité linguistique dans ses contenus et fait état de statistiques d'achats étonnantes, où il s'avère que les Etats-Unis sont également un marché prometteur pour les éditeurs du monde entier, en version originale.
La complexité des circuits dans le numérique a retardé la collecte de chiffres fiablesMardi, l'ambiance était moins euphorique au
TOC, en dépit de l'ouverture confiée comme d'habitude à d'enthousiastes gourous du marketing du livre numérique, avec leur look de rigueur (cheveux rasés pour cacher une calvitie précoce, lunette, jean, et MacBook manié à la télécommande). Jonathan Nowell, directeur de Nielsen Books Scan, a plombé ses auditeurs avec des statistiques de vente de livres en baisse sur tous les marchés suivis par cet institut d'étude. La faute à la crise, et à la concurrence du numérique. Mais Nielsen n'a pas encore de chiffres fiables à fournir pour le marché du livre numérique, qui permettraient de montrer que ce qui est perdu d'un côté est partiellement regagné de l'autre. La complexité des circuits dans le numérique a retardé la collecte de chiffres fiables, qui devrait toutefois aboutir prochainement, aux Etats-Unis tout d'abord. Philip Downer, ancien directeur général de Borders UK, reconverti comme consultant depuis deux ans, s'est aussi montré plus que réservé sur l'avenir numérique. Revenu des excès du libre marché, il a même trouvé des vertus à la réglementation française sur le prix du livre, statistiques britanniques à l'appui : sur Internet, les ventes de livres ont bondi de 52% de 2008 à 2011, mais elles ont reculé de 21% dans les librairies indépendantes, alors que le marché global fléchissait de 2%.
Le contrôle tarifaire français semble avoir des effets sur le niveau des prix, selon les moyennes établies par Ruediger Wischenbart, dans une étude comparative des marchés européens réalisée pour les besoins de la conférence : en papier (20,98 euros) comme en numérique (15.80 euros), le prix d'un livre est plus élevé en France que partout ailleurs en Europe. Encouragé à expliquer cette curiosité, dans la mesure où il était le seul français participant à la table ronde, Eric Marbeau, chargé du livre numérique chez Gallimard, a d'abord rappelé qu'il ne s'agissait que de moyennes sur les 10 best-sellers en fiction, et que l'éventail des prix est bien plus ouvert.
De nombreuses présentations jeudi pour étudier le potentiel des réseaux sociaux Un exemple d'adaptation à cet univers en plein bouleversement est venu... des Etats-Unis, avec l'intervention de John Ingram, directeur général de l'entreprise du même nom, et leader de la distribution de livres sous toutes ses formes. A l'origine gestionnaire d'une flotte de barges navigant sur le Mississipi, Ingram s'est développé dans de multiples secteurs, est devenu le premier imprimeur de livres à la demande (filiale Lightning source), et maintenant est aussi distributeur de contenus numériques. «
Le marché commande notre adaptation » a commenté avec concision le patron du groupe familial.
Les réseaux sociaux et leur formidable potentiel d'utilisation en promotion et marketing ont aussi fait l'objet de présentations multiples, qui devraient encore être développées jeudi prochain au cours d'une matinée de conférence entièrement dédiée à cette thématique. Les métadonnées, au coeur des conditions du succès du marché du livre sur Internet selon leurs spécialistes, ont aussi été au centre de présentations survoltées, et seront également les vedettes d'une entière matinée de conférences, ce même jeudi 13 octobre.