Cécile Balavoine a aimé Mozart avec la ferveur d’une mystique. Maestro, son premier roman après Le goût de Salzbourg paru en 2006, et juste avant Le goût du piano qui sort le 13 avril, est tout entier irradié par cette passion exclusive pour le compositeur. Cécile, la narratrice dont on ne peut douter qu’elle soit le double fictif de l’auteure, y raconte, de la première sonatine jouée à 8 ans sur le premier piano offert par ses parents au coup de foudre à 40 ans pour un chef d’orchestre, la transfiguration d’un amour premier, impartageable. Car comment adorer Mozart quand on a 8 ans dans les années 1980, et 15 ans dans les années 1990 ?
Maestro revient aussi sur le deuil d’"une vie dans la musique", sur le rêve d’une carrière de chanteuse puis de pianiste, entrevu et contrarié deux fois. Faute de pouvoir se consacrer corps et âme à son dieu, la Cécile du roman entretient pendant longtemps secrètement le culte : elle apprend l’allemand, se rend tous les ans en pèlerinage à Salzbourg pour assister aux concerts du célèbre festival en Dirndl, robe traditionnelle, inscrit sur un cahier toutes les œuvres qu’elle possède sous forme de disques ou de partitions "avec leur numéro au catalogue Köchel", couvre les murs de la chambre de ses 14 ans de posters de l’idole, s’endort en écoutant le Requiem.
Le roman alterne ainsi le souvenir de cette adoration de jeunesse et sa version contemporaine incarnée, trente-deux ans après la première illumination lorsque, devenue journaliste, elle s’éprend de la voix d’un maestro de renommée internationale qu’elle interviewe au téléphone. Cette attraction fulgurante et réciproque, à distance et en décalage horaire, réactive le lyrisme de la première passion.
Comme dans les livres de fans, le lecteur profite de l’expertise et de l’exaltation qui irrigue ces nuits éclairées avec Amadeus. Pas étonnant, puisque l’amoureuse mélomane porte le prénom de la sainte patronne des musiciens. V. R.