« Parfois les rêves sont des échos du futur. » Encore faut-il être capable de les interpréter. Le roman s'ouvre sur un tableau : trois hommes sur un petit bateau. On pourrait presque les percevoir comme trois facettes d'un même être, à des âges et avec des tempéraments différents. Ces pêcheurs ont une habitude, « tous les week-ends, ils font peur aux poissons ». Mais voilà que cette fois, ils sont confrontés à un défi : affronter une raie géante qui évoque un monstre du loch Ness, tapi en chacun d'eux. Peu importe s'il existe ou non, il les entraîne dans un rite d'initiation vers une forme de masculinité. Une virilité mise à l'épreuve par des coups de feu et une île à la nature sauvage. « Ils pénètrent dans la forêt d'un pas décidé. Dans l'humidité de la brise qui monte du fleuve. »
La forêt revêt ici une cape métaphorique. Tantôt elle ressemble au ventre maternel, tantôt elle assemble tous leurs secrets, leurs souvenirs, leurs désirs et leurs mystères dans un coffre bien caché. C'est de là que sortent des femmes aux « visages frais, sans maquillage ». Des sirènes des bois qui risquent d'ébranler leurs voies... L'auteure argentine nous a habitués à des romans toujours relativement courts, à la densité étonnante. Imprégnés d'une certaine violence, Après l'orage, Les Jeunes Mortes ou Sous la grande roue s'incrustent dans des lieux isolés, voire perdus. Ici, l'atmosphère onirique, à la Twin Peaks, flirte quelquefois avec le conte. Selva Almada avoue écrire « comme on pose une question ou pour tenter d'y répondre du mieux qu['elle] peu[t] ».
Ce n'est pas un fleuve Traduit de l’espagnol par Laura Alcoba
Métailié
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 16 € ; 128 p.
ISBN: 9791022611718