Le 19 juillet, au terme d’un rocambolesque feuilleton judiciaire, la cour d’appel de Montpellier a confié à Bertrand Barascud et François Fontès, fondateurs et dirigeants de la société immobilière Amétis, les librairies Sauramps, en perdition depuis de longs mois. Soutenu par une large partie des salariés, le duo inspire toutefois une certaine réserve. "Leur méconnaissance totale du monde du livre m’inquiétait", reconnaît Roberta Pouget. Mais aujourd’hui, la directrice de la librairie Sauramps d’Alès reconnaît avec bonheur s’être trompée. "Cette reprise est inespérée : les gens d’Amétis ont très vite compris nos problématiques, ils se montrent hyper réactifs et très transparents. Surtout, ils nous donnent les moyens techniques, humains et financiers de réussir."
"Mettre le paquet"
S’ils se sont d’abord penchés sur le dossier Sauramps avec un objectif de diversification de leur société, Bertrand Barascud et François Fontès, qui se qualifient avant tout de "développeurs", ont vite décidé d’y "mettre le paquet. Amoureux de la culture, nous étions attachés à cette marque et ne pouvions concevoir qu’elle s’échappe ailleurs et quitte Montpellier", raconte Bertrand Barascud, "l’opérationnel" du tandem, qui a pris en main le destin des librairies.
Durant l’été, les actionnaires réinjectent 3 millions d’euros dans l’entreprise, dont les deux tiers servent à reconstituer le stock et à honorer les marchés scolaires. Ils bataillent pour ouvrir leurs comptes, imaginent une campagne de communication et nomment une directrice générale, Florence Doumenc, chargée depuis trois ans et demi de la direction des ressources humaines de Sauramps. Une période proche de "l’enfer", admet Bertrand Barascud, mais qui permet au groupe d’atteindre fin septembre son premier objectif. "Nous nous étions fixé comme but de retrouver la confiance de nos fournisseurs et des salariés et de reconstituer un niveau de stock équivalent à celui d’octobre 2016. C’est quasi fait", se félicite Florence Doumenc.
Un programme ambitieux
Une première page est donc tournée chez Sauramps. Mais Bertrand Barascud a déjà écrit la suivante. "D’abord restaurer la santé financière du groupe, puis mettre les équipes en ordre de bataille avant de, peut-être, faire franchir à la marque, d’ici à 2020, les frontières du Languedoc-Roussillon." Un programme ambitieux, pour lequel Amétis a budgété entre 6 et 7 millions d’euros et dont les principaux chapitres devraient être composés l’année prochaine. "2018 sera l’année de tous les chantiers", confirme Florence Doumenc. Après avoir planché sur le changement du système informatique et la création d’un nouvel organigramme, la directrice générale s’attellera dès le début du premier semestre au gros morceau : les travaux de rénovation, doublés d’une refonte et d’une réorganisation de l’offre des magasins du Triangle, dans le centre de Montpellier, et du centre commercial Odysseum.
Au Triangle, "dont le cœur de métier restera la librairie de fonds", assure Florence Doumenc, il est prévu notamment de rapprocher le magasin jeunesse Polymômes de la librairie générale, de développer la maroquinerie, le matériel de beaux-arts, l’offre haut de gamme en papeterie et d’ajouter un petit éventail de produits connexes au livre. Autre ambition : reconfigurer le magasin pour favoriser les échanges. Au-delà des travaux liés à la sécurité, le Triangle devrait s’organiser autour d’"univers aux ambiances différentes selon les thématiques", et surtout intégrer en son centre un "café littéraire, lieu de rencontres où les clients prendront le temps de se poser autour d’un café par exemple", explique Bertrand Barascud.
Un espace du même type est prévu à Sauramps Odyssée. "C’est dans l’air du temps et nous devons aller dans ce sens", insiste Bertrand Barascud, qui prévoit également d’y créer un espace jeunesse, Odymômes, de développer la BD et d’accentuer la diversification de l’offre en ajoutant des produits "porteurs" comme les objets connectés, de décoration ou de design. Objectif : faire grimper le chiffre d’affaires de 7,5 à 10 millions d’euros. "C’est à Odysseum que se trouve notre gisement de CA", plaide Bertrand Barascud, qui veut faire de ce magasin de 2 300 m2, accusé d’avoir plombé les comptes de Sauramps, son "navire amiral. Une lecture purement comptable conduirait effectivement à le fermer, mais en y regardant dans le détail, on s’aperçoit qu’il recèle un fort potentiel. La clientèle y est plus familiale qu’au Triangle et le quartier est en plein essor. Quant aux charges, plus que le loyer, c’est le prêt contracté à la création du magasin qui pèse très lourd. Nous sommes en train de renégocier son taux et de l’étaler sur cinq ans au lieu de trois, ce qui devrait donner une grande bouffée d’air."
De nouvelles perspectives apparaissent aussi pour la librairie d’Alès. Envisagé de longue date, le déménagement sur une surface plus grande, de plain-pied, située à un emplacement "idéal" et qui offrirait en outre un espace de rencontres, devrait aboutir à la rentrée 2018 et "ouvre des possibilités infinies", se félicite Roberta Pouget. Autre axe de développement, la mise en œuvre d’un système interne de gestion de la relation client (CRM), qui se double de la "digitalisation" du groupe et d’une accélération de la communication externe. "Nous devons tout à la fois mieux connaître nos clients et faire entrer Sauramps au cœur de la population le plus vite possible", pointe Bertrand Barascud.
Ateliers thématiques
Pour nourrir ces ambitions, encore en cours d’élaboration, et les affiner, des ateliers ont été mis sur pied. Pilotés par des chefs de projets et composés de libraires et de salariés, ils fonctionnent par thématiques : communication, reconfiguration de l’offre et rénovation des magasins. "Si nous ne sommes pas issus du livre, nos libraires sont professionnels, combatifs et ont des idées, que nous pouvons financer. Cela aurait été une erreur de ne pas nous appuyer dessus", argumente Bertrand Barascud. Il espère redonner à Sauramps son rôle de vecteur culturel à Montpellier et retrouver dès l’année prochaine un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros, avant d’atteindre les 30 millions en 2020.