Aux marches du palais. « Ce septième machin, dont la mère est l'Art et le père l'Industrie, et dont les oncles et tantes se nomment Musique, Littérature, Peinture mais aussi Banque, Luxe, Misère, Optique, Métallurgie, Exploitation et Misogynie, conglutinait encore, pendant douze jours sur la Côte d'Azur, les cinéastes les plus doués, les critiques les plus exigeants et les spectateurs les plus attentifs. » Cette parenthèse forcément enchantée, c'est le Festival de Cannes. Celui d'abord de ces temps anciens où les télévisions ne se payaient pas encore (trop) sur la bête du cinéma. Celui aussi que fréquente depuis quarante ans avec une fidélité tour à tour torve, agacée, amusée et toujours finalement plutôt joyeuse, Santiago H. Amigorena. Dans Le Festival de Cannes ou Le temps perdu, qui s'annonce comme l'avant-dernier volume de sa gigantesque et fascinante entreprise de réification autobiographique (réunie sous le titre Le dernier livre), l'auteur baguenaude avec profit au fil de ses souvenirs de Croisette. Femmes et actrices aimées, films ni faits ni à faire, échos lointains de fêtes où il n'était pas toujours, le temps passe comme ça aux marches du Palais. Tout cela est bien vain et si précieux à la fois. Comme l'indique, s'il en était besoin, le titre du volume, le caractère proustien de la démarche est clairement assumé. Amigorena, tout du long et avec une formidable ironie, maintient une ligne de tension narrative entre deux positions, celle d'acteur et celle de spectateur. Il est des leurs. Il les regarde.