Les terres identitaires sont essentielles dans la construction de soi, mais elles tendent à exclure l’Autre. Comment élargir nos horizons? Cette question inspire profondément Didier Ben Loulou, dont l’œuvre se trouve désormais rassemblée à l’Imec. Le photographe français voit le jour à Paris, dans une famille originaire d’Algérie. Il vit aujourd’hui à Jérusalem, tout en restant ancré dans une région qu’il nomme le "Sud". Le titre de son nouvel ouvrage - en petit format - célèbre une région, où règnent la chaleur, les paysages arides ou maritimes, les villages et les couleurs. La Grèce, la Sicile, la Corse, Israël, l’Espagne ou la Cisjordanie possèdent une histoire forte, dont le photographe souhaite s’imprégner. En témoignent déjà ses livres, Jaffa, la passe, Athènes, Jérusalem, Mémoire des lettres ou Israel eighties. Lui qui aime récolter ou semer des traces crée des parallèles entre des lieux, chargés du passé et d’un présent intemporel. Ici Ben Loulou éprouve "le simple désir de lentement dériver dans le Sud, guidé par une boussole intérieure qui [lui] sert à ré-enchanter la vie grâce au voyage". L’originalité de l’ouvrage consiste à offrir un "film muet", sans textes ni légendes. Un film dans lequel les cartes sont brouillées. On ignore où et quand les images ont été prises. Une volonté instaurée par ce poète ambulant, qui imagine une "cartographie incertaine, comme sortie d’un rêve". Ainsi, on sent que cet amoureux des Beaux-Arts garde un regard pictural (voir l’enfant aux billes). "La photographie correspond mieux à mon envie d’extérieur. Mon studio, c’est la rue. J’aime enregistrer des choses réelles." Une sépulture enveloppée de tissus, un bateau échoué, des ruines délestées ou des champs desséchés nous renvoient à une fragilité. La vie apparaît avec les humains, présents sous forme de gros plans et de prises de vues distanciées. Des anonymes solitaires ou solaires, qui effacent les barrières politiques pour laisser transparaître notre universalité. Sur la couverture, un baiser, doux et torride, vient sceller l’union absolue. K. E.