Au fond, il lui faut peut-être remercier un certain GFM, une certaine « Grande-Figure-des-Médias ». Cet animateur au « célèbre et pénétrant regard » qui, un jour, lors d’une manifestation mondaine et parisienne, a lancé à Irène Frain qu’elle avait eu un beau parcours alors qu’elle était « venue de nulle part et sortie de rien ».
Le GFM relayait là un article, imprimé peu avant, signé par une « vieille routière de la presse », entretien où l’auteure du Nabab (Lattès, 1982, repris au Livre de poche) revenait sur ses racines. Elle évoquait un père qui avait été gardien de vaches, maçon, avant de bifurquer vers la formation professionnelle des adultes, racontait une enfance dans une pièce unique au sol en terre battue avec ses deux sœurs.
Après la mort de son géniteur, happé par la maladie d’Alzheimer, Irène Frain a enfin choisi de remonter vers ses origines. De reprendre le chemin du pays de Cléguérec. D’une Bretagne qui a jadis été scindée en deux couleurs. Avec les Rouges et les Blancs. Ceux qui allaient « à l’école du Diable » et ceux qui prenaient « le parti des curés ». Sans même parler des Noirs : les paganistes, les protestants.
La romancière est partie à la rencontre des témoins du passé. Elle a replongé dans la correspondance de son père, ses papiers de guerre, les poèmes et les récits qu’il rédigeait pendant sa captivité en Allemagne.
Peu à peu s’éclaire le parcours d’un homme, « dixième de dix », qui avait la passion « de la régularité, de l’exactitude » et ne faisait jamais rien au hasard. Un homme que sa mère avait empêché d’aller au lycée de Pontivy poursuivre ses études après un certificat brillamment obtenu. Un homme « tourmenté, hanté par ses angoisses ».
En chemin, Irène Frain évoque aussi la figure de sa mère. Une femme qui ne s’aimait pas beaucoup et idolâtrait l’actrice Mireille Balin. Une femme qui cherchait à apaiser la douleur de son taiseux d’époux sans toujours y arriver. Sorti de rien est une belle tentative de mise au clair. D’aller au plus près de la vérité et du fonctionnement des êtres qui vous ont donné la vie.
Al. F.