Le caméléon, titre de la première fiction de Claude Arnaud paru chez Grasset et qui obtint le prix Femina du premier roman en 1994, trahit la nature plastique de son auteur. Identité multiple, changeante, tensions contradictoires… En 2003, il signe chez Gallimard un monumental Jean Cocteau, poète polymorphe s’il en est. Puis un essai, Qui dit je en nous ? (Grasset, prix Femina de l’essai 2006), une réflexion sur "l’identité plurielle".
Une tautologie pour Claude Arnaud chez qui, on l’aura compris, l’identité tel le mercure dont, enfant, il s’amusait à laisser échapper des thermomètres, est labile, jamais fixe, à la fois joueuse et inquiétante, virevoltante et angoissée… Avec Qu’as-tu fait de tes frères ? (Grasset, 2010), Claude Arnaud était passé à l’autofiction en assumant pleinement "[s]on histoire subjective de l’identité".
Parcours d’un adolescent fuyant l’ennui de son foyer bourgeois à Boulogne pour le Paris de Mai 68, l’effervescence culturelle et sexuelle des années 1970, mais aussi la tragédie d’une famille frappée par la folie et le deuil : ses grands frères, Pierre promis à un brillant avenir d’ingénieur mais devenu schizophrène suicidé, Philippe son mentor perdu en mer, et leur mère décédée d’un cancer.
Dans Je ne voulais pas être moi, Claude Arnaud revient vers ses drames mais continue d’écrire sur ce moi en perpétuelle mue : à 40 ans passés, "Clodion-le-chevelu" d’antan vit enfin de sa plume et sans heures fixes, il collectionne les amants comme les déceptions : il y a Henri le jeune Helvète dépressif, Edoardo dont la sensualité solaire rédime ses prétentieuses théories artistiques. "Mon sablier s’est inversé, au passage de la quarantaine. J’aurais moins d’années à vivre que j’en ai vécu, j’étais fait pour être jeune pourtant." Comment retrouver la fièvre des années 1970 ? Le nuage de la désillusion plane sur un paysage dévasté par les deuils familiaux, sans parler de cette peste qui en décima tant dans ces mêmes années. Puis un jour il accompagne son ami Charles à Haïti, sur une danse il rencontre une sublime créole aux cheveux blonds, la "Norvégienne noire".
Le dernier roman est un magnifique texte sur la réconciliation avec soi-même et grâce à soi-même, mais aussi par la grâce de l’Autre, autrement dit l’amour. Sean J. Rose