Death of French Culture, épisode 2. Tout (re)commence par une blague : pour un budget modeste, la grande majorité des films hollywoodiens sont intelligents et originaux ; ce qui permet à Donald Morrison de s’identifier à une victime hétéromachiste de deux apprenties lesbiennes en furie, Thelma et Louise – s’ensuivent flagellation et incantations votives devant tant d’incompréhension. Car nous ne savons pas que notre pays va mal, notre grandeur passée est en ruines. Et tout y passe : littérature (17 pages), cinéma (10), théâtre (4), arts plastiques (5), photo (8), architecture (4), musique (5), il y aura beaucoup de chiffres, de classements, et d’argent, des conseils aussi (libéraliser, entreprendre), des changements de ton, des présupposés et arguments étonnants, très discutables, de la tempérance (il n’y a pas que la taille qui compte), deux citations présidentielles (les attentes du « public », chaque sou sera « utile »), un louable appel au métissage et à la diversité, et un double cri du cœur final : plus d’art à l’école ! moins d’impôts ! Bref, un pamphlet, mi-intéressant (refonder les politiques publiques), mi-scandaleux (en finir avec le statut d’intermittent du spectacle). Revenons sur notre terrain, la littérature. Des raisons qui expliquent notre énième déclin, voici celle qui me plait le plus : c’est la faute des trucs trop intellos, trop conceptuels. C’est bien connu, réfléchir, ça donne mal au crâne. Arriverai-je à finir ce livre ? Vite, un Doliprane, je continue. Il n’y a plus d’auteur au souffle suffisant pour un « récit de grande ampleur » et personne ne se coltine au « réel ». Peut-être faisons-nous, essayons-nous autre chose. L’intimité, ce n’est pas réel ? Ceci dit, le « réel social » n’est pas assez présent, c’est vrai, mais as-t-on vu un livre sur les sans-papiers ou les centres de rétention (Olivier Adam, Karine Tuil) en tête des ventes ? Et combien de fois nous demande-t-on un livre « sympa, pas prise de tête », si possible une « histoire d’amour qui finit bien » ? Les auteurs ne sont-ils pas assez virulents ou les éditeurs sont-ils trop tièdes ? L’œuf ou la poule ? La littérature française est « ésotérique ». Toute ? Non, il y a bien un petit village qui résiste à l’envahisseur. Et puis, Werber, il vend lui au moins ! Le structuralisme et le Nouveau Roman ont « détérioré » la situation. Bien sûr, on n’y avait pas pensé, ce doit être la faute de Lévi-Strauss et Claude Simon, ils sont tellement hégémoniques... « Les romans français gardent souvent un caractère expérimental, autoréférentiel, claustrophobique si ce n’est nombriliste. » J’aimerai bien, mais je ne crois pas. Curieusement emporté dans ma lecture, je me dis qu’il me manque le chiffre indiquant la part de romans expérimentaux publiés à chaque rentrée. Hmm, mais ce n’est pas ça le problème, cherchez bien… Ah ça y est, nominés dans la catégorie auteurs, les coupables sont : Michel Houellebecq, Anna Gavalda (!!!), Catherine Millet et Christine Angot, et, surtout, tadam : l’autofiction ! Là, apparaissent des estimations, du soupçon, et le conditionnel, entre la moitié et 70% des romans en font partie. A vérifier, peut-être ?? Et bien sûr, c’est aussi la faute des critiques, des soirées, des éditeurs, et du trop grand nombre de livres publiés. C’était donc cela le menu : marronniers, clichés, et speed-dating. Au dessert, triste, et nous avec, l’auteur nous abandonne déjà pour un autre sujet… Où sont tous mes amants, tous ceux qui m’aimaient tant… ai-je envie de chanter, ah quelle fâcheuse déception, ce n’était donc que cela notre rendez-vous, Donald ? Mais peut-être vous ai-je déçue moi aussi, je vous ai trop parlée de moi, vous ne m’écoutiez plus, oubliée, et vous, noyé dans votre jalousie pendant que je regardai les fesses du serveur indien, nous aurions tant à nous dire, mais que voulez-vous, le monde m’appelle… Mais oui, la diversité, le métissage n’ont pas attendu vos appels pour exister et se développer dans toutes les cultures, consciemment ou non, en lutte, en subversion incontrôlée. Au Seuil, Le commencement d’un monde , effrayant et magnifique ainsi qu’il en fût toujours, des bouleversements, de l’histoire, de la philosophie, des voyages, une qualité de pensée et de cheminement… Adieu Donald, bonjour Jean-Claude Guillebaud !

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