Le roman de Sylvia Plath, la Cloche de détresse , est paru sous le pseudonyme de Victoria Lucas en janvier 1963, à la demande de son auteure, pour éviter de heurter certains membres de son entourage, et en particulier sa mère, Aurelia Plath. D'après les amis de l'écrivaine, Sylvia Plath ne souhaitait pas que son roman semi-autobiographique paraisse sous son vrai nom, tant que sa mère serait vivante. Un mois après la parution de la Cloche de détresse ( The Bell Jar , en v.o.), Sylvia Plath se suicidait. Sa mère, Aurelia, vécut en revanche jusqu'en 1994. Pourtant, dès 1966, Ted Hughes, le mari de Sylvia Plath, faisait reparaître la Cloche de détresse sous le vrai nom de son auteure, faisant fi des volontés de sa défunte femme. C'est le Guardian qui vient de révéler l'histoire. Précisions que, en France, le droit au respect du nom n'impose nullement à l'auteur une totale transparence. Il peut choisir de conserver l'anonymat ou de publier sous pseudonyme. Mais l'auteur qui n'a pas manifesté de volonté contraire durant l'élaboration de l'ouvrage ne peut demander en référé la suppression de son nom d'un ouvrage collectif pour le cas où l'orientation de celui-ci ne lui conviendrait plus. En revanche, l'éditeur ne peut révéler le nom véritable de l'auteur qui a choisi de se cacher sous pseudonyme. En cas de révélation par son éditeur, l'auteur pourra obtenir facilement en justice la résiliation du contrat d'édition aux torts de l'éditeur. Auteur et éditeur doivent néanmoins être conscients des importantes conséquences juridiques qu'entraîne le recours à l'anonymat ou au pseudonyme. Qu'il s'agisse d'un pseudonyme ou du patronyme de naissance, le choix d'un nom de plume peut également devenir un problème juridique. En témoigne une jurisprudence plutôt étonnante. La loi du 6 Fructidor an II interdit à tout citoyen de porter d'autres nom et prénom que ceux de son acte de naissance. Mais l'utilisation d'un pseudonyme dans le cadre d'une activité littéraire ou artistique est autorisée, sous réserve de ne pas attenter aux droits d'autrui. Une fois établi, le pseudonyme confère à celui qui le porte un droit presque comparable à celui que tout un chacun possède sur son patronyme de naissance. Mais là encore, la réactivité face à la concurrence est essentielle. À l'occasion de la sortie d'un roman sous le pseudonyme de Lec, la cour d'appel de Paris, le 8 juillet 1949, a estimé qu'« il est admis que lorsqu'un pseudonyme est répandu dans le public et attaché par un long usage à la personne qui en fait le choix, le tiers dont il constitue le nom patronymique ne peut enjoindre de le délaisser, alors surtout que ce nom patronymique a fait la renommée de celui qui l'a créé et qu'il n'a été, pendant de longues années, l'objet d'aucune revendication, ni d'aucune protestation ». En l'occurrence, Le Lec qui poursuivait un Lec avait lui-même abandonné son propre nom. Les juges ont ainsi relevé que « si Le Lec, après avoir publié sous son nom trois plaquettes de vers de 1924 à 1928, a fait paraître un roman en 1927 et un autre en 1929, [...] par la suite, Le Lec a choisi le pseudonyme de Yann Le Cœur et s'est spécialisé dans la production de romans populaires ». L'affaire la plus éloquente a été tranchée le 7 décembre 1955 par le tribunal de grande instance de Paris entre deux Bernard Frank : « Poulailler, homme de lettres, connu sous le pseudonyme de Bernard Frank a [...] fait assigner Bernard Frank, également homme de lettres, afin qu'il lui soit interdit sous astreinte d'utiliser son nom pour publier aucun ouvrage, aucun article ou pour prononcer aucune conférence publique ». Les magistrats ont donc commencé par examiner le premier Bernard Frank: « Poulailler, qui avait servi comme officier dans la marine marchande puis, pendant les hostilités, dans la marine de guerre, s'est, à partir de 1920, consacré à la littérature sous le pseudonyme de Bernard Frank, composé avec son prénom usuel et avec le prénom d'un parent qui, comme lui, avait été marin; [...] il a publié chez divers éditeurs et notamment chez Flammarion des ouvrages consistant pour la plupart en récits de voyages et d'aventures maritimes; [...] il s'est livré également à une activité de conférencier. » Quant au second Bernard Frank, il était précisé : « Au mois de mars 1953, les éditions de la Table ronde ont publié sous le nom de Bernard Frank un livre intitulé Géographie universelle. » Les magistrats ont ensuite procédé à une comparaison littéraire audacieuse : « Si les juges peuvent parfois être amenés à contraindre un individu à adjoindre à son nom, dans l'exercice de son activité littéraire ou artistique, une particularité propre à éviter tout préjudice à celui qui, antérieurement, a acquis sous ce nom, pris comme pseudonyme, une réelle notoriété, une telle mesure ne saurait se justifier en l'espèce. [...] Il convient en effet de relever qu'une différence d'âge de plus de 40 ans existe entre les deux écrivains; [...] depuis le début de sa carrière, Poulailler s'est surtout consacré à un genre littéraire auquel ses voyages l'avaient spécialement préparé. [...] dans ses livres comme dans ses conférences, il s'est principalement attaché à exalter les hauts faits de la marine et en particulier de la marine française. [...] Bernard Frank, au contraire, est entré dans la vie littéraire sous le patronage de Jean-Paul Sartre ; [...] ses livres sont des études de la vie contemporaine traitées dans un esprit tout autre que celui qui anime l'œuvre de son adversaire. [...] ils reflètent même des conceptions philosophiques, politiques et littéraires diamétralement opposées à celles qui sont à la base des ouvrages du demandeur. [...] ainsi, malgré l'identité du nom qui figure sur la couverture des livres des deux auteurs, les risques de confusion par le public sont certainement faibles . » Enfin, les aléas de la vie de couple s'accommodent parfois assez mal du choix d'un nom de plume. Le 10 février 1981, le tribunal de grande instance de Paris a ainsi interdit à une journaliste (Isabelle de Wangen, devenue célèbre pour avoir publié, en 1978, dans Paris Match , une interviewe de Jacques Mesrine, alors qu'il était recherché par toutes les polices de France et de Navarre) de continuer de publier des livres en utilisant le nom de son ex-mari. Les juges ont souligné que « de toute manière, Isabelle Dumas aurait-elle acquis, comme écrivain, le droit d'user du patronyme des consorts de Wangen, elle ne saurait pour autant outrepasser les limites qu'impose, à l'exercice, des droits de la personnalité d'autrui. [...] il est indéniable que le nom des demandeurs s'est trouvé, par l'abus qu'en a fait la défenderesse, à diverses reprises mêlé à une évocation complaisante et tapageuse de la vie des criminels de droit commun ».  

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